L’Été dernier est le remake du film danois Queen of hearts. Le projet a été initié par le producteur Saïd Ben Saïd qui a envoyé un mot à Catherine Breillat en lui rappelant qu'ils s'étaient rencontré au festival de Belfort, qu’il venait de racheter les droits d'un remake d’un film danois et qu'il pensait que la réalisatrice ferait mieux que l’original ! Cette dernière se rappelle : "À ce moment-là, j’étais au fond du trou. Je n’avais plus envie de faire du cinéma."
"Je pense que j’étais aussi en dépression larvée, je suis quand même en très mauvais état physique. Être hémiplégique, ce n’est pas simple. J’ai regardé le film et j’ai été stupéfiée par ce mensonge qui y est raconté. Proférer un si gros mensonge et arriver à le faire croire à l’autre, il faut quand même être dans une forme de vérité pour y arriver ! Je trouvais que c’était un dispositif scénaristique absolument génial, digne de Shakespeare."
C'est Valeria Bruni Tedeschi qui devait tenir le rôle d'Anne au début de l'annonce du projet.
Si, sur le papier, il était à l'origine question d'une histoire d'adultère avec un beau-fils beaucoup trop jeune, ce n’est pas vraiment cela que Catherine Breillat voulait raconter : "Je n’aime pas le cinéma réaliste, quand on le cantonne à dire des choses convenues, étriquées, moralistes. L’art moraliste enlaidit et rétrécit les gens."
"Mais l’Art est moral car il les embellit, porte un regard sur eux qui les épanouit, les transfigure. Contrairement à ce qu’on croit, je suis hyper romantique ! Je suis obsédée par la pureté, c’est pour ça que je ne supporte pas l’adjectif « sulfureux » à mon égard. Ni que l’on dise que je fais du cinéma érotique. Je hais l’érotisme !"
Catherine Breillat a rencontré Samuel Kircher grâce à son frère Paul Kircher (en tête d'affiche du Lycéen de Christophe Honoré) et est tombée sous son charme : "Un charme absolu, la grâce absolue. Samuel est un être absolument gracieux, lumineux et en même temps totalement mystérieux, opaque. Il est abandonné à la caméra, il ne la craint pas, Il se laisse dévorer par elle sans qu’un muscle ne tressaille. Samuel a une manière de sourire incroyable. Les hommes qui sourient, il n’y en a pas beaucoup à l’écran."
C'est le producteur Saïd Ben Saïd qui a proposé à Catherine Breillat de choisir Léa Drucker pour jouer Anne. La réalisatrice confie : "A priori, elle n’est pas une actrice pour moi... Mais quand je l’ai rencontrée, je l’ai trouvée formidable. Surtout, je l’ai vue comme moi, je la filmerai, non comme elle avait déjà été filmée."
"Tout d’un coup, elle est devenue mon actrice, là chez moi, en la regardant tout simplement dans les yeux me parler du scénario, de son désir de faire le film, de la confiance qu’elle me faisait, alors que j’ai quand même une réputation effarante, qui n’est pas moi, mais que j’ai. Léa a un côté à la fois bergmanien et hitchcockien."
L'Eté dernier a été présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.
Catherine Breillat et la directrice de la photographie Jeanne Lapoirie ne voulaient pas de naturalisme à la lumière : "Je voulais les yeux bleu glacier de Léa même en contrejour. Je ne voulais pas non plus de contraste, mais des visages limpides. Je suis obsédée par la clarté. Mes mots sont assez violents, pas la peine d’accentuer cette dureté à l’image. Au contraire, il faut que ce soit clair comme chez Hitchcock. Jeanne était parfois décomposée devant ce que je lui demandais mais elle y arrivait toujours !"
Catherine Breillat a fait le choix de filmer Anne et Théo de très près, comme dans une bulle dont l’environnement social a été expulsé. Elle justifie ce choix : "Quand deux personnes se boivent des yeux, et boivent les paroles l’un de l’autre, ils sont seuls au monde. Il peut y avoir un vacarme assourdissant, ils n’entendent plus rien. J’avais montré Ivan le Terrible à Samuel, avec ces regards qui « coulissent »."
"Dans le film, je fais quasiment loucher Samuel tellement il regarde Léa du coin de l’œil. J’ai fini par m’apercevoir que j’étais une cinéaste des émotions. Et les émotions, ce sont les visages nus, dont je traque le moindre regard qui se dérobe, qui brille… Je suis un voyeur et un voyant. J’aime voir l’âme humaine dans ses moindres tressaillements, je trouve son ambiguïté d’une beauté absolue."
Comme à son habitude, Catherine Breillat a opté pour des chansons et non une musique composée pour le film. Elle précise : "J’avais appris que Kim Gordon avait répondu à la question « Qu’est ce que vous en emporteriez sur une île déserte ? » : le livre sur Catherine Breillat de Douglas Keesey. Alors moi qui n’ai aucun argent, et qui adore le rock, j’ai décidé de la contacter. Elle a répondu dans la seconde et a gracieusement composé avec son groupe une chanson très rock, tellurique, pour le moment de l’accident, et sur le générique de fin."
Le très chevronné comédien Olivier Rabourdin incarne le mari. Comme pour Léa Drucker, c’est Saïd Ben Saïd qui a pensé à lui. "Dès que je l’ai rencontré, j’ai été sous le charme. Je trouve qu’il a quelque chose d’un acteur américain, avec des rides entièrement verticales – non pas d’horribles rides horizontales qui font qu’on n’a plus de visage mais ces rides comme des balafres. Et puis ce regard lourd et magnifique, ce grand corps un peu défait, cette stature... J’étais sûr qu’il serait formidable quand il enlèverait sa chemise. Je voulais que le mari d’Anne soit d’une grande beauté. Et d’une grande douceur avec elle, très humaine", note Catherine Breillat.
A l’origine, Catherine Breillat a proposé le rôle de Théo à Paul Kircher. Mais le tournage du film, qui devait avoir lieu en 2021, a été reporté à l'année suivante pour des raisons de financements. Paul n'étant plus disponible, c'est lui qui a suggéré à la réalisatrice et au producteur Saïd Ben Saïd de choisir son frère.