Trois femmes. Trois époques : 1923, 1951, 2001. Trois lieux : Londres (et ses environs), la Californie, New York... Epoques-lieux symboles de la modernité et de la prospérité, du rêve du tout-un-chacun voulant accéder au bonheur assuré par la civilisation et son prétendu "confort" qui nous est si cher.
Toutefois, l'être humain reste fidèle à lui-même : il se pose des questions, ou plutôt se remet en question... histoire de point de vue, après tout. Ce qui est certain, c'est qu'il se cherche. Et c'est ce que font ces trois femmes, interprétées - avec une justesse stupéfiante - par Nicole Kidman (méconnaissable !), Julianne Moore et Meryl Streep.
En apparence bien différentes et sans relation, si ce n'est par le bien-être normalement associé à leurs environnements – dont le détail lieu-époque n'est pas anodin et sans attirer l'attention sur le souci de présenter un tableau réaliste et etayé de notre société contemporaine -, toutes trois semblent perdues au fin fond de leurs folles pensées. C'est du moins l'avis général.
Pourquoi ? Parce qu'elles vont plus loin : leur quête de la satisfaction, ou tout du moins de la sérénité, leur impose d'explorer leur sentimentalité, de franchir les barrières mêmes de la vie, afin d'en comprendre le sens, d'en dénicher les possibilités. Cette vie, qu'elles ont tant de mal à adopter et à apprécier tel qu'elle leur est livrée. De ce fait, elles osent quelques escapades - euphémisme heureux -, en regard de leur sexualité, et surtout, de la vie et de la mort, pour ne reprendre que les signes les plus frappants.
Cas sociaux ? Folies communes ? Sujets à dépression chronique, troubles de l'humeur ? La réflexion n'est pas là. Préoccupations futiles, quelques-uns diraient... mais n'est-ce pas là finalement l'essence même de notre existence? Ce film est très touchant. Non pas par sa tristesse. Bien au contraire, ces femmes respirent la vie. Ou plutôt se battent pour l'apercevoir dans leur train-train quotidien – bataille qui les mène aux abîmes, il faut l'avouer. Non, ce qui touche le spectateur, c'est la justesse du tableau peint par Stephen Daldry. Tableau qui, même s'il n'est peut-être pas l'illustration parfaite du bonheur intégral, a le mérite d'être juste, et dont on ne peut dire qu'il nous est totalement étranger. Qui n'a jamais douté ?
Un livre, au centre du film, représente tous ces doutes : Mrs Dalloway. C'est le roman de Virginia Woolf (inteprétée avec brio par Nicole Kidman, dans les environs de Londres des années 20), dans lequel elle confie, au titre de l'histoire - non sans rapport avec la sienne - d'une bourgeoise sur le point de donner une réception et condamnée à garder tête haute malgré son mal d'être, ses interrogations, ses conclusions, et son manque de réponses tout à la fois.
A noter, une prestation saisissante d'Ed Harris, seul personnage masculin d'importance au sein de cette oeuvre, qui nous rappelle, pour ceux qui ne l'auraient deviné, que ceci n'est pas un sujet sur la femme, mais, bien au contraire, sur des doutes qui nous concernent tous. Ne pas avoir aimé ce film est défendable et tout-à-fait compréhensible ; ne pas l'avoir vu est une insulte à sa culture cinématographique, que l'on soit cinéphile ou non.