Ce n’est pas tous les jours qu’on reçoit de l’animation pour adultes en provenance des Etats-unis (et par pitié, ne venez pas me parler de ‘Sausage party’...!), d’autant plus qu’il s’agit ici d’une épopée Fantasy qui relate, a posteriori, une lutte eschatologique pour l’appropriation d’une mystérieuse fleur aux grands pouvoirs entre une chamane, représentante de l’équilibre et de l’harmonie avec la nature, et un sorcier, qui incarne la civilisation et la quête démesurée du pouvoir. Niveau Fantasy, on évolue plutôt ici dans sa version “Dark” : pas de preux chevaliers ici mais des mages noirs, des cultistes sanguinaires, des morts-vivants et des villageois torturés, démembrés ou brûlés vifs. La progression de la légende est curieusement syncopée, le rythme est cassé à plusieurs reprises par la conversation entre la chamane (qui raconte l’histoire) et le gardien de l’ultime fleur, et il vaut donc mieux être capable d’apprécier un conte plein de violence raconté a posteriori, plutôt que d’être simplement un fan des dernières tendances en matière d’animation. D’ailleurs, esthétiquement aussi, ‘The spine of night’ donne souvent l’impression d’être hors-sol : si l’animation rotoscopée se montre convaincante, le style visuel, lui, s’avère déstabilisant. L’idée était apparemment de rendre hommage à Frank Frazetta, le Rubens de l’illustration Fantasy et sa fascination jamais démentie pour la débauche de chair, de muscles et de seins…mais c’est un peu comme si c’était Ralph Bakshi ou un autre animateur indépendant des années 70 qui rendait hommage à Frazetta : si les décors disposent d’un style visuel affirmé, les personnages humains sont souvent d’une esthétique…discutable, même si la rotoscopie est ici employée de manière plus réaliste et moins maniérée qu’à l’époque. Même si on n’est pas très fan de cette patte graphique, au moins la singularité de forme rejoint-elle la singularité du fond : même s’il ne devrait pas être aussi compliqué (au sens où il faudrait donner les moyens à ceux que ça tente de s’y atteler ) de concevoir de l’animation pour adulte un peu plus consistante que cette saga cosmogonique un rien livresque et pesante, il faudra s’en satisfaire pour le moment.