Fascinant mais interminable. Passionnant mais malaisant. Radical mais beau. « Vortex » c’est une œuvre des contraires, des oppositions de superlatifs. C’est du pur cinéma de Gaspard Noé. Tout craché. Et même si le sujet, le traitement et l’atmosphère en font son film peut-être le plus doux et abordable, cela reste vraiment du cinéma particulier, qui fait fi de toutes les modes et propose une expérience immersive et jamais vue. Rien qu’à ce niveau, c’est très fort, salutaire et nécessaire dans un paysage cinématographique mondial généralement formaté, conditionnant le spectateur, et où le mercantile prime malheureusement sur l’Art. Et malgré son apparente sagesse (en tout cas thématique et formelle), c’est un film qui divisera et alimentera les débats. Il ne donne pas mal au crâne par son aspect visuel extrême, il ne choque pas par des séquences répugnantes ou prêtant à l’écœurement (coucou « Irréversible », que l’on peut encenser mais que l’auteur de ses lignes a proprement détesté) et il ne surfe pas sur une vague arty parfois discutable.
Ce n’est certes pas la claque non plus que son avant-dernier opus nous avait prodigué, « Climaxx » certainement son meilleur film, entre chorégraphie endiablées, plans-séquence incroyables et plongée en enfer parfaitement maîtrisée. On retrouve néanmoins la plupart des obsessions du cinéaste : de la drogue, à la mort en passant par la notion de temps (mais rien à voir avec la vision de Christopher Nolan sur ce point). D’ailleurs, il commence son film par une citation qui fait tellement de sens : « A tous ceux dont le cerveau se décomposera avant le cœur ». Le temps et la mort dans une danse macabre qui peut rejoindre celle qui sous-titrait « Irréversible » et qui était encore plus équivoque : « Le temps détruit tout ». On voit donc, durant deux heures et trente interminables minutes, la lente agonie d’un couple d’octogénaires. Lui, touché par des problèmes cardiaques, elle, par un Alzheimer galopant. Si vous avez trouvé la Palme d’or « Amour » de Mickael Aneke, au sujet parallèle voire jumeau, très glauque ou versant dans le dolorisme, et bien évitez « Vortex »! C’est dix fois plus intense et extrême.
On comprend que l’auteur ait voulu faire durer son film pour faire ressentir au spectateur la lente déliquescence des souvenirs, de la mobilité et de la mémoire causée par la maladie et les conséquences horribles que cela peut avoir sur la vie d’un couple plutôt isolé (il ne leur reste que leur fils et leur petit-fils). Mais à trop étirer le procédé, cela finit par lasser. Les longues errances de la mère dans ce minuscule mais labyrinthique appartement semblent être la métaphore de son cerveau malade. Bien vu. Tout comme l’utilisation du split-screen tout le film. Même quand ils sont ensemble, l’écran est divisé en deux pour figurer leur éloignement progressif et leur isolement respectif. Le procédé n’a jamais été aussi bien utilisé qu’ici, hormis peut-être dans « Snake Eyes ». Le film phare de ce procédé restant le « Timecode » de Mike Figis sorti il y a vingt ans avec l’écran divisé en quatre mais pour un pur exercice de style. Mais quand même, une heure de film en moins n’aurait rien enlevé à la force du propos transformant le supplice et l’ennui du spectateur en adhésion certainement plus affirmée. Si Françoise Lebrun impressionne dans un rôle quasi muet où elle doit jouer uniquement avec le regard et les gestes, Dario Argento est un choix plus risqué et peu malin car son accent italien empêche de comprendre certains dialogues. Quant à Alex Lutz il se positionne vraiment comme un comédien tout-terrain. « Vortex » c’est une sacrée expérience de cinéma, plus âpre qu’un film d’horreur, mais l’horreur plus viscérale et insidieuse de la fin de vie. Mais entre une grosse invraisemblance (la mère laissée seule à son appartement à un moment crucial) et des scènes et un film bien trop étirés on peut vouloir passer son chemin ou sortir de la salle et cela se comprendra. A vous de voir!
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