Exercice de style
Le nouveau François Ozon est une adaptation libre de la pièce Les Larmes amères de Petra von Kant de Rainer Werner Fassbinder. Cette pièce de théâtre avait déjà fait l'objet d'un long métrage mis en scène par Fassbinder lui-même, en 1971, - que j’avoue humblement ne pas avoir vu -. Peter Von Kant, célèbre réalisateur à succès, habite avec son assistant Karl, qu’il se plaît à maltraiter. Grâce à la grande actrice Sidonie, il rencontre et s’éprend d’Amir, un jeune homme d’origine modeste. Il lui propose de partager son appartement et de l’aider à se lancer dans le cinéma. 85 minutes qui n’échappent pas totalement aux pièges du théâtre filmé malgré le talent d’écriture et la virtuosité d’Ozon, mais surtout la prestation fabuleuse de Denis Ménochet. Une curiosité.
S’attaquer à un texte devenu un classique du théâtre contemporain, relevait évidemment de la gageure. Des libertés ont bien sûr été prises comme abandonner le milieu de la mode pour celui du cinéma et de choisir un héros masculin. Une façon habile de mieux se retrouver dans une histoire universelle de passion amoureuse, interrogeant les rapports de domination, d’emprise et de soumission dans la création, le rapport muse/pygmalion. Les dialogues seront peut-être trop littéraires au goût de certains, mais c’est habilement écrit et l’on oublie assez vite ce qui pourrait constituer un problème. Un film d’Ozon constitue toujours un événement. Celui-ci, qui a été présenté à la Berlinale, n’échappe pas à la règle, même si, à mon avis, il restera un « Ozon mineur ». Mais, on a droit encore un huis-clos aussi cruel que magistral et à un comédien hors norme.
Denis Ménochet est décidément un acteur majuscule. Veule, violent, séducteur, amoureux fou, fragile, vulgaire ou raffiné, il peut et sait tout jouer avec une force de persuasion rare. Depardieu a un successeur. Isabelle Adjani, en diva cocaïnée, est parfaite. Tout comme le jeune Khalil Gharbia, que l’on découvre, Hanna Schygulla, une des muses de Fassbinder, Aminthe Audiard et surtout Stéfane Crépon hallucinant dans un rôle muet. Une distribution conçue comme une troupe de théâtre. Beaucoup de talents réunis. Comme on dit aujourd’hui avec un soupçon de pédantisme, voilà un « objet filmique » offert par un cinéaste décidément insaisissable.