Ce qui est marrant en regardant le film de nouveau cette fois-ci, pendant les deux tiers du film, je n'ai absolument pas pu m'enlever de la tête, le très réussi feuilleton anglais "Downton Abbey", pour lequel rien au monde je ne manquerai un épisode ! En lisant les noms au générique, j'ai bien vu que l'écriture était signée de Julian Fellowes. Mais n'étant pas sûr que c'était le scénariste de la fameuse série, j'ai vérifié dans la demi-heure, pendant la coupure publicitaire...
Force est de constater, que ce film réalisé par Robert Altman, spécialiste des films chorales ( MASH, The Player, Short Cuts, etc...), fût le ballon d'essais, dans l'esprit de Fellowes, pour le développement brillant, dix ans après d'un feuilleton exploitant de façon virtuose, les rapports entre le monde des domestiques et un monde aristocratique qui cohabitent étroitement, mais qui ne se rencontrent véritablement jamais, trop prisonniers de leurs castes respectives et de ses règles figées et sclérosées.
Même si ce film, fût écrit sur une idée d'Altman, je me demande bien jusqu'où, car alors il est à l'origine d'une étude de mœurs détaillée qui fait déjà date.
Obligé de comparer, de ce fait, le film au feuilleton. Du coup là où j'avais mis 8 sur 10 à "Gosford Park", je suis "obligé" de descendre à 7 sur 10 après cette diffusion...
Évidemment, lors de ma première vision du film, j'ai loué le travail scénaristique évident, remarquable dans l'étude de caractères, malgré le foisonnement de personnages tout azimuth, et la précision d'orfèvre de la description des rapports entre maîtres et valets.
Sauf qu'ici, les aristocrates n'ont rien de sympathique et d'humain, à l'image du maître et de la maîtresse de maison, détestables au plus au point (Michael Gambon et Kristin Scott-Thomas). On a l'impression d'assister à un affrontement ou un duel entre aristocrates et domestiques, se demandant, dès les premières minutes, qui dégainera en premier son revolver. J'en suis même venu a me demander si c'était en fait un film à message idéologique pro-socialiste ! Car le scénario insiste beaucoup sur les humiliations permanentes que subissent ces majordomes, gouvernantes, valets et femmes de chambres, etc; par des "patrons" les traitants comme de véritables esclaves à leur bottes...
Mais Fellowes a plongé sa plume dans l'acide, là où dans "Downton Abbey" il est plus doux dans certains aspects, car rien n'est épargné à cette poignée d'aristocrates se sentant exceptionnels et supérieurs.
L'interaction du personnage de Ryan Philippe, d'abord avec les domestiques puis ensuite avec tout ce beau monde, est à cet égard significatif. Le fait de se faire passer pour un majordome pour préparer son futur rôle au cinéma, déclenche des réactions en chaines très intéressantes autant chez les aristocrates que chez les domestiques en égratignant au passage l'arrogance mal placée des américains (cf la scène du petit déjeuner ou Weissman, le producteur et Denton, l'acteur, se ridiculisent dans l'ignorance des us et coutumes anglaises et rappelant ainsi que les américains sont bien pires quant il s'agit de se faire servir...°;
Évidemment, l'enquête à la Hercule Poirot, mené par un Stephan Fry, qui joue un inspecteur ridiculisé à souhait, n'est qu'un prétexte pour faire ressortir et exacerber les passions, les blessures et les rancœurs présentes depuis longtemps dans le cœur des domestiques. L'intéressant c'est l'aspect "lutte de classes" qui est suggéré qui fait mouche. Le fait , également, de voir les domestiques vacillé émotionnellement, alors que les aristocrates n'ont aucunes émotions apparentes. Ont-ils des émotions, d'ailleurs?
L'humanité de certains domestiques apparait alors on ne les voient plus comme des "machines" ou des "toutous", ce qui vaut les meilleurs moments du films dans l'émotion: bravo à Alan Bates et Helen Mirren (Intendant et Gouvernante).
Tout de même, je me dis que Fellowes est très malin, car au final je pense vraiment que ce scénario est un ballon d'essais et qu'il a poussé l'ironie à nous envoyer un message au travers du personnage du producteur Weissmann, qui s'immerge dans le sujet de son prochain film...
Le seul bémol, c'est le temps réduit qui ne permet pas de développer la multitude et la complexité des personnages. Au début c'est un peu difficile à suivre, s'en est même agaçant et ennuyeux par moments. Il y aussi le parti pris de mise en scène de Robert Altman qui filme beaucoup en plan large et qui utilise très peu les plans serrés ou gros plans sur les personnages. Cela nous empêches dans un premier temps de bien savoir à qui on a à faire véritablement. Il est évident que cette façon de filmée renforce fortement le sentiment de distance entre ces deux mondes qui coexistent et dépendant l'un de l'autre mais qui ne se rencontrent jamais véritablement.