Danny Balint n'est ni un "grand" film, ni un "bon" film. C'est une œuvre cinématographique qui incite à la réflexion mais qui nécessite aussi - c'est là sans doute son défaut majeur - l'indulgence du spectateur. Par conséquent, ceux pour qui le cinéma se réduit au "pur divertissement" et à la "non prise de tête" doivent de préférence s'abstenir. Indulgence, donc, du spectateur averti qui, s'il veut capter l'intérêt de ce film, devra probablement s'y prendre par deux fois. Car le premier coup est brute, pour ne pas dire abrupt. On se prend en pleine face toute la violence du personnage principal - un Juif néonazi interprété par Ryan Gosling - et ce de manière tellement rude qu'on ne peut s'attarder justement sur le cas de ce skinhead doublement torturé - qui représente précisément le véritable intérêt de ce film. Visionnez une deuxième fois et alors vous verrez enfin. Le film révèle énormément de choses au travers de son personnage de Juif néonazi (dont le fait de savoir qu'il a réellement existé n'a que peu d'importance). En fait, ce film en dit long sur les limites de la société américaine (la culture anglo-saxonne plus globalement), les contradictions provoquées par la liberté d'expression "totale" et le communautarisme exacerbé. Il traduit également l'échec patent du "vivre ensemble", imposé maladroitement par la religion du multiculturalisme se retrouvant, de fait, elle-même opposée aux radicalismes politiques et religieux, ou politico-religieux ravivés. Le spectateur sera sûrement amené à se poser la question de la religion. Mais ce non pas d'une manière débile et tellement commune, mais de façon pertinente et originale. On retrouvera aussi la question de la schizophrénie, si répandue dans nos sociétés modernes socio-économiquement "libéralisées". D'où le choix de ce personnage de Juif néonazi, a priori atypique [tout comme ces "untermenschen" (les "sous-hommes" issus des peuples slaves) qu'Hitler vomit dans Mein Kampf mais qui sont parmi les éléments les plus dynamiques de la mouvance néonazie] dont le parcours personnel se révèle finalement assez logique quand on comprend justement le cheminement intellectuel. La figure généralement repoussante du néonazi ressort fascinante d'un point de vue sociologique et psychologique (comme celle du tueur en série anthropophage, au travers d'Hannibal Lecter, pouvait l'être grâce au Silence des Agneaux). Néonazi dont le parcours s'avère finalement complexe et non simpliste comme on se plaît à nous le dire trop souvent. La "bête immonde" et les slogans antifascistes apparaissent alors comme de simples épouvantails qui permettent d'éviter la question de fond. Le pourquoi. Et c'est pourquoi il faut voir ce film. Si American History X, auquel on le compare souvent, se regarde mieux, il est bien moins profond et le scénariste impose une vision trop manichéenne. Là où le personnage de Derek marque avant tout par sa violence physique, Danny Balint, lui, impressionne par sa violence verbale. On voit donc deux choix totalement différents de la part des réalisateurs, deux façons distinctes de traiter le sujet : la bastonnade stérile, bête et méchante (avec les gangs noirs de Los Angeles) et l'idéologie toute crue (appuyée sur la haine profonde des Juifs). Concernant le jeu des acteurs, il n'y a rien à dire. Ryan Gosling est parfait, la jeune Summer Phoenix magnifique et troublante, et Billy Zane étonnant dans son rôle de fasciste. Seul le dénouement, peut-être, manque de transgression... la religion ayant finalement le dernier mot.