Ecrit par Ethan et Joel Coen, ce n’est pourtant le nom que d’un seul d’entre eux qui figure au générique, le deuxième, à la réalisation. S’il sera distribué en deux formats, couleurs et noir et blanc, c’est finalement cette deuxième version qui sera promue comme l’originale, illustrant une époque d’après-guerre californienne à la mode des années 40 et 50. Le noir et blanc restitue dès lors parfaitement l’ambiance d’époque, d’autant que les prises du vues sont pour la plupart excellentes, en terme de luminosité et des jeux d’ombres et lumières, précisément. Joel Coen s’applique à insuffler un esthétisme vintage et parvient à démontrer que le cinéma n’a pas d’âge lorsque les moyens mis en œuvre sont judicieux.
Les frères Coen raconte ici l’histoire d’un coiffeur, barbier, c’est selon, trompé par sa belle et qui se lance dans un petit chantage qui viendra bouleverser sa vie et celle de ceux qui l’entoure. Parti de rien, ou presque, la descente aux enfers de notre ami sera progressive. Oui, son entourage en souffre d’abord, puis lui-même, n’ayant plus de possibilité de reculer. A l’image d’autres classiques des frères cinéastes, c’est d’un destin criminel crapuleux, sordide dont il est question. Oui, Fargo mettait en scène un rapt sur commande d’un mari paumé, dans tous les sens du terme, O’Brothers mettait en scène la fuite de taulards plus imbéciles les uns que les autres ou encore No Country for Old Men qui offrait l’opportunité à un Redneck altruiste de profiter d’une grosse somme d’oseille. Ici, c’est le destin d’un banal barbier, quasiment mutique et indifférent dont on parle, un gus comme il y en as des milliers d’autres et qui se lance dans une entreprise malhonnête.
Pourtant, ce qui faisant la richesse des films cités plus hauts n’est pas forcément jubilatoire ici. L’on s’intéresse pourtant aux personnages, Frances McDormand, Richard Jenkins, James Gandolfini ou encore Tony Shalloub est finissant par nous rendre compte que le moins captivant de tous, c’est notre barbier, lancinant, peu bavard, incarné par un Billy Bob Thornton peu inspiré si ce n’est pour poser la clope au bec. Muet, ahuri, incapable de réactions devant ce qu’il lui arrive, sachant pertinemment qu’il est l’élément déclencheur de sa propre perte. La mise en scène, très soignée, divertira le public à défaut d’un personnage principal captivant, un comble pour un film des frères Coen, alors que même les dialogues sont très bien écrits, comme à l’accoutumée.
Oui, il manque quelque chose à The Barber pour atteindre un niveau supérieur, celui de Fargo, de True Grit et j’en passe. Il manque du tonus surtout, du rythme, de la nervosité. Si certaines scènes, relativement peu en somme, sont excellentes, bien d’autres tombent à plat. Dommage. L’on n’est aussi dubitatif devant l’intégration au récit des petits hommes verts, à n’y rien comprendre. Un film soigné, très bien mis en scène, mais finalement pas très divertissant, pas très original, trop peu en tous les cas. Il s’avère même être ennuyeux de-ci de-là, et ça, ce n’est pas pardonnable envers le génie des deux célèbres frangins. 13/20