Film culte, grand classique américain, dernier film de James Dean, alors évidemment il suscite un intérêt énorme. Peut-être tellement d'ailleurs que la déception ne peut qu'en découler. Enfin, c'est le cas en ce qui me concerne même si cette déception est relative.
Géant est un film dont le titre semble annoncer l'ambition. C'est une fresque de 3H20 ( titanesque donc ), qui multiplie époques et personnages, thèmes et sujets divers. Le paradoxe du film, c'est que sa longueur ne lui permet pas de développer en profondeur la majorité des sujets qu'il évoque. Géant est un film qui passe, qui déroule son plan sans véritablement prendre le spectateur aux tripes. Il y a dans ce film une cruelle absence de passion, de romanesque, de relief et d'enjeux. Géant est gênant quelque part, dans sa manie de proposer des pistes au spectateur, des débuts potentiels d'intrigues qui n'aboutissent jamais. Une des séquences initiales incorpore en son sein les trois personnages principaux, et le spectateur se met à rêver d'un triangle amoureux, de complications et de tensions entre les personnages qui naîtraient d'une telle situation. Mais la promesse ne tient pas. C'est d'autant plus dommage que les trois acteurs auraient fait un " double couple " idéal. Taylor, une des plus ravissantes actrices qui soient, la jolie gueule de James Dean, et surtout, Rock Hudson, le corps le plus imposant du cinéma américain avec Marlon Brando. Mais la suite évapore l'attente fébrile du spectateur, et dit déjà beaucoup d'un film qui se contente d'une platitude narrative et formelle loin d'être ennuyeuse ceci dit.
La mise en scène est en effet loin d'être exceptionnelle. George Stevens maîtrise son sujet, mais sur 3H20, les sursauts d'intelligence ou de beauté plastique sont rares. Il faut reconnaître un certain talent au réalisateur pour tenir le tout sur une durée aussi longue, mais l'impression générale est qu'il ne tire jamais le film vers le haut. Il faut dire que le scénario ne l'aide pas. Il n'y a que très peu de climax dans le film - un comble pour une fresque - et un manque de dramatisation qui nuit au film. On regarde ça tranquillement, c'est juste bon sans être passionnant pour autant, acceptable, mais ça n'a rien de prenant.
La partie la plus réussie du film concerne sans aucun doute ses différentes prises de position, féministe puis antiraciste. Dans Géant le Texas en prend pour son grade, c'est un Etat présenté comme obsolète dans sa conception d'une société machiste, et uniquement dominée par l'homme blanc. Mais le personnage d'Elizabeth Taylor saura se révolter - séquence réjouissante, mais encore une fois peu développée au cours du film - avant que le film ne se concentre presque exclusivement sur la question raciale ( qu'il abordait depuis le début cependant ). Géant est un fort plaidoyer pour l'égalité entre les êtres humains, et c'est dans les moments où le film établit un parallèle entre les différentes générations - américaines et mexicaines - qu'il prend un peu de relief. L'oeuvre balaie d'un revers de main le déterminisme ( le fils américain ne suivra pas les traces de son père, le fils mexicain s'engagera dans l'armée des Etats-Unis pour finalement y mourir. Quelqu'un a parlé d'identité nationale ? ) et dit que la personnalité de chaque être humain est plus importante que son origine.
Géant est une oeuvre monstre qui se révèle peu mordante, un film qui plaît sans impressionner. 3H20 tout à fait agréables sans être marquantes pour autant.