Voilà 10 ans déjà que Cédric Jimenez s’est fait remarquer déjà… avec La French, film qui nous offre un superbe face à face qui voit Jean Dujardin et Gilles Lellouche s’opposer avec beaucoup de brio. Et déjà à cette époque, je disais qu’il allait falloir compter ce réalisateur, membre à part entière de la jeune garde prometteuse dans le cinéma français. C’est vrai que ce film était sacrément bien foutu. Et finalement, Cédric Jimenez ne m’a pas fait mentir. Pourtant, choisir de ne se pencher que sur des faits réels peut s’avérer casse-gueule, on le sait : il faut faire des recherches, ne pas occulter les faits importants sans pour autant en rajouter trop. Un véritable travail qui force mon admiration.
Après HHhH, Bac nord, Cédric Jimenez nous propose cette fois de revenir sur l’attentat qui a visé la France, en plein cœur de Paris, aux abords immédiats du Stade de France et au Bataclan. Un cauchemar teinté de stupeur pour l’ensemble des français qui s’est étendu au-delà de nos frontières, mais avant tout des minutes d’horreur la plus totale pour ceux qui y étaient, qu’ils en soient sortis indemnes ou blessés. C’était le 13 novembre 2015, une date qui saigne encore tant le traumatisme de ce massacre gratuit reste profondément ancré dans notre mémoire.
Pour autant, on ne vivra pas de l’intérieur cette immonde fusillade. Par respect envers les victimes ? Sûrement, et je dirai que c’est assez bien vu car ça s’avère plus que délicat. Alors autant faire preuve de pudeur, comme cela a été fait lors de la séquence à l’hôpital. D’ailleurs ni les victimes, ni les bourreaux ne sont incarnés à l’écran, mais en plus l’attentat n’est en rien représenté. Seule la suggestion est utilisée, ce qui suffit amplement à réveiller des souvenirs douloureux. En fait, le choix a été de porter le point de vue au sein même de la SDAT (acronyme de Sous-Direction Anti-Terroriste), laquelle apprend en direct la tragédie qui se trame au bilan lourd de ses 130 morts, 413 blessés dont 99 en urgence absolue.
Dès lors, le spectateur est invité à suivre une enquête sous très haute tension, avec une obligation de résultats. Même si point de vue tension, on a déjà vu mieux, le film est magnifiquement rythmé. C’est l’occasion pour le spectateur de se rendre compte des difficultés liées à l’organisation tentaculaire à l’échelon mondial de Daesh, autoproclamé Etat islamique, et qui n’en est hélas pas à son coup d’essai. Les difficultés sont amenées aussi par l’urgence de la situation, pouvant provoquer des vices de procédures qui sont pourtant plus que jamais à proscrire. Il y a nécessité d’aller vite, de neutraliser au plus tôt ceux qui ont perpétré cette vaste tuerie et ceux qui s’apprêtent encore à la faire. Ceci engendre aussi des fausses pistes, le croisement accidentel d’enquêtes séparées...
Cédric Jimenez réussit à donner une lecture lisible d’un processus embrouillé engendré par ce chaos sanglant et ce qui est hypothétiquement à suivre. Pour moi, en tant que spectateur et pur spectateur, c’était la plus grande difficulté à surmonter. Et ma foi, le réalisateur a bien réussi. D’ailleurs les 107 minutes passent vite. Trop vite. Mais qu’en aurait-il été si le film avait duré, 15, 20, ou 30 minutes de plus ? Nous ne le saurons jamais, à moins qu’on vienne nous servir un peu plus tard une version longue. Et je serai bien curieux de la découvrir, mais là… je crois que je vais attendre longtemps.
On notera aussi l’utilisation de plans serrés sur les personnages, comme pour nous faire vivre les vives préoccupations des enquêteurs, avec en prime une caméra souvent portée à l’épaule. Encore faut-il que la prestation des acteurs soit irréprochable… Je vous rassure, elle l’est.
Alors il est vrai que Novembre aurait pu faire polémique, avec un tel sujet. Alors oui, elle a eu lieu, mais pas là où on l’attendait puisqu’elle est venue de Samia, le personnage joué par la touchante Lyna Khoudri. Et en effet, son personnage, présenté comme voilé, ne l’était pas dans la réalité. La réelle personne a porté plainte contre les producteurs de Novembre, en exigeant l'insertion d'un avertissement au début du film, stipulant que "le port du voile islamique par le personnage de Samia répond à un choix de fiction qui ne reflète pas les convictions personnelles de l'intéressée." Elle a obtenu gain de cause. Alors je ne doute à aucun instant que pour ce personnage réel, ce soit très important, mais pour nous, spectateurs, là n’est pas le plus important, même si pour le coup, on nous montre un autre visage de l’islamisme. Je pense que c’était un peu le but. Non ?