Si « Bac Nord » admettait des faiblesses évidentes dans sa narration, son efficacité n’était pas à redouter, loin de là. Le metteur en scène de « Le French » et de « HHhH » progresse dans une filmographie de plus en plus exigeante en matière de polar, mais ici plus question de vriller comme dans un western, l’heure est venue de rendre des comptes. Le cinéma de Cédric Jimenez se place ainsi comme un témoignage du terrain, cette fois-ci du côté des enquêteurs post-attentat du Bataclan et autres fusillades de la même soirée. Ce qui aurait pu devenir un objet sensible et épique, façon américaine, en pensant au « Traque à Boston » de Peter Berg, n’est rien d’autre d’une démonstration de retenue et de pudeur. Ne passant pas par la case massacre esthétique, le réalisateur nous épargne une charge émotionnelle inutile, sachant que le plus gros du boulot se trouve dans les cinq jours suivants. Nous nous situons alors plutôt dans le « Zero Dark Thirty » de Kathryn Bigelow, la subtilité et la tension en moins.
Dès les premières minutes, impossibles relâcher la pression, à la fois de l’attente et du hors-champ, qui joue en faveur d’une reconstitution de faits, rigoureusement bien rythmée par un montage qui ne fait pas de temps-mort. Mais une fois qu’on se sera bien familiarisé à cette démarche survoltée, entre les analyses de vidéosurveillances et des interpellations impulsives, la tension ne prend plus et il sera souvent compliqué de la retrouver avant l’assaut final. Dans ce décor terne et en décomposition, seule la neutralisation des terroristes compte. On en vient ainsi à capitaliser sur l’efficacité, ou non, des services de renseignements et d’une réelle détresse, sachant qu’un autre drame pourrait se superposer à celui qui garde encore sa plaie ouverte. Et bien que l’on ne s’arrête pas sur un manichéisme policier, les personnages sont rarement incisifs dans les échanges et dans leurs initiatives.
Fred (Jean Dujardin) est à la tête de l’investigation, mais son ego le renvoie constamment sur le banc. Il n’est pas prêt à capituler face à la menace, mais il tient en même temps le rôle de bourreau dans son service, qui piétine et qui se découvre des lacunes non-négligeables. Le véritable fléau de leur enquête, c’est le temps, qui revient souvent comme un dans un minuteur, pour récupérer le même souffle stressant dans le chapitre suivant. Inès (Anaïs Demoustier) constitue alors la bonne part idéaliste de l’équipe, qui ne transpire pas plus que cela et qui aurait pu rester aussi fonctionnels que ses supérieurs Sandrine Kiberlain et Jérémie Renier. Bien heureusement, sa relation avec Samia (Lyna Khoudri), qui s’improvise indic dans l’affaire, il en résulte un beau portrait de l’humanité, malgré les heures sombres que traverse le pays endeuillé.
La question est de savoir si « Novembre » n’arriverait pas trop tôt, si l’on ne manquait pas encore de recul sur cette expérience, pour en extirper toute la sève émotionnelle. Le mot de la fin nous rappelle d’ailleurs qu’un jugement doit être prononcé cet été, mais le film n’est ni là pour condamner ni contester les horreurs subites. Jimenez est venu commenter la position de celles et ceux qui se sont battu pour faire reconnaître leur voix dans l’adversité, au sein du système ou simplement auprès d’une tranche de la population, ignorée et sacrifiée pour que justice soit faite. Le déséquilibre est à l’écran, il ne reste plus qu’à dormir là-dessus, car côté cinématographie, il en faudra plus pour convaincre et susciter un minimum d’intérêts.