Sobrement appelé « Novembre », le nouveau film de Cédric Jimenez est, quoi qu’en dise, un évènement. 7 ans après les attentats, le procès achevé, le cinéma français commencent à se pencher sur ce funeste 13 novembre, et c’est une démarque tout à fait recevable, à condition bien-sur de le faire proprement, sans voyeurisme et sans complaisance. Plutôt que de reconstituer les attentats longuement, ce qui aurait été insupportable à regarder, Cédric Jimenez choisi l’angle de la traque, et il met ainsi en valeur le travail d’enquête de l’unité anti-terroriste. Jimenez, un habitué des films noirs menés tambours battants, biberonnés à l’efficacité du cinéma américain, nous offre donc « Novembre ». Ce film, qui dure 1h50 environ, est une plongée la tête la première dans l’action et en apnée ! Le film, qui commence par une courte scène à Athènes début 2015, ne va pas nous lâcher une seule seconde. Il choisit de ne pas filmer les lieux des attentats, de n’en rien montrer ni par les images, ni par le son. Encore une fois on lui en est gré car je crois que ça aurait été irregardable en plus d’être malvenu. Les attentats sont montrés depuis les bureaux de l’antiterrorisme, transformé en fourmilière en quelques heures : les informations arrivent, les morts s’accumulent, les visages accusent mal le coup. Ensuite, Jimenez filme 5 jours d’arrestations, d’interrogatoires, d’assauts, de coups de téléphones, d’écoutes téléphoniques, mais aussi d’erreurs, de fausses pistes, de problème de collaboration entre services qui se marchent dessus. C’est trépidant, on ne comprend pas tout, ça parle en même temps, les hommes ciblés finissent par son confondre en un bloc informe, mais on ne décroche pas. En réalité, il ne nous en donne pas l’occasion. C’est filmé caméra à l’épaule (mais c’est regardable, ce qui n’est pas toujours le cas), l’impression d’urgence est de tous les instants, c’est assez épuisant pour le spectateur au final. Appuyé d’une musique efficace et assez bien utilisée, en dosant le suspens sans en abuser (car on sait tous comment cela va finir), il réussit son coup. Il choisit de ne pas faire incarner les terroristes par des comédiens mais d’utiliser leurs vraies photos, leurs vrais noms. On ne les verra que sous forme d’images floues de vidéo surveillance (les vraies ?) ou sous forme de simples silhouettes. L’utilisation d’images d’archives relève de la même intention : ne s’éloigner des évènements que sur des détails, bien ancrer son film dans la réalité, dans l’Histoire. Il serait dommage de résumer le casting aux performances tout à fait convaincantes de Jean Dujardin, Sandrine Kiberlain ou Anaïs Demoustier, tant le casting est pléthorique et parfaitement à son affaire. Alors je vais quand même faire une petite mention spéciale à Lyna Khoudri, parfaite dans le rôle difficile de Samia, celle qui (très) courageusement apporta la bonne piste à la Police pour loger le cerveau des attentats, empêchant probablement un autre bain de sang. Parce qu’il n’est question que de cela, au final : pourquoi les attentats de 2015 n’ont pas pu être empêchés, ce sera l’objet d’un autre film. Ici, il faut juste arrêter le massacre. Du coup, tout le monde se met au service de la traque de deux hommes (on sait qu’il y en a un troisième retourné en Belgique, son tour viendra). Et quand je dis tout le monde, c’est tout le monde. Les enquêtes en cours sont arrêtés, les indics mis à contribution, les vérifications sont faites 24h/24. Alors forcément, les cernent se creusent, les nerfs craquent, les erreurs sont commises, elles auraient pu être tragiques, on sait aujourd’hui qu’elles ne l’ont pas été. L’assaut de St Denis est très impressionnant, une fusillade comme je n’en avais jamais vu, même dans les polars américains, un vrai déluge de feu filmé en temps réel, interminable et tragique, le point d’orgue d’un film qui laisse le spectateur un peu sonné sur son siège. « Novembre » est un film efficace et fort instructif, un hommage au travail de l’ombre de l’anti terrorisme français, loin des polémistes des plateaux TV. C’est aussi un hommage au courage insensé des gens ordinaires, comme la vraie Samia, qui avait tout à perdre à aider la police, et qui d’ailleurs, a plus ou moins tout perdu.