"Toutes les personnes que j'ai rencontrées [au cours du processus de réalisation] ont une histoire avec Bob Marley", explique Reinaldo Marcus Green. "Il avait ce pouvoir. Il était le meilleur ami de tout le monde, vous savez ? 'Je l'ai vu en concert...' Les gens pensent connaître Bob Marley, ils ont une version de lui dans leur esprit, parce que nous sommes tous liés à sa musique."
Avec Bob Marley: One Love, le réalisateur annonce montrer une facette de l'artiste que peu de gens connaissent : "Nous allons donner à chacun quelque chose qu'il n'a pas vu, quelque chose qu'il n'a pas pu trouver sur Google, en nous basant sur les vraies conversations, de l'intérieur".
Le réalisateur souligne l'authenticité de son film, qui est le résultat direct de l'implication de la famille de Bob Marley, qui ne s'est pas contentée de donner sa bénédiction au projet. En effet, parmi les producteurs du long-métrage, on trouve les deux enfants du chanteur, Ziggy et Cedella Marley, ainsi que sa veuve, Rita Marley.
Cedella Marley, qui avait 13 ans lorsque son père est décédé, explique : "Si papa était là, c'est lui qui raconterait l'histoire. Mais il n'est pas là, alors nous la racontons en son nom. Mais même pendant le tournage, on avait l'impression que c'était toujours lui qui racontait l'histoire, à travers tous les acteurs."
Cela faisait des années que le projet d'un biopic sur Bob Marley était dans les tiroirs et il a failli voir le jour à plusieurs reprises avant que tout ne soit annulé.
Au-delà de l'authenticité, l'implication des Marley a été un atout pratique pour la production, qui a pu avoir accès à des archives inédites.
L'équipe a pris le parti de s'intéresser à une période précise de la vie de Bob Marley, à savoir les années 1976-1978. Le 3 décembre 1976, sept hommes armés ont pris d'assaut la résidence de Bob Marley située au 56 Hope Road à Kingston, tirant sur le chanteur, sa femme Rita, son manager Don Taylor et l'assistant du groupe Louis Griffiths. Rita a été touchée à la tête, Bob à la poitrine et au bras. Par miracle, tous ont survécu. Plus incroyable encore, deux jours plus tard, Marley montera sur la scène du concert Smile Jamaica dans sa ville natale et donnera l'une des représentations de sa vie, avant de s'exiler à Londres pour écrire l'album qui, selon lui, pourrait diffuser son message de paix et d'unité aussi loin que possible.
Le 3 juin 1977 sort Exodus, sur lequel figurent les morceaux Jamming, Three Little Birds et le medley One Love / People Get Ready. En 1999, le magazine Time l'a élu meilleur album du XXe siècle.
Reinaldo Marcus Green était prédestiné à réaliser Bob Marley: One Love. Le réalisateur tient son nom de Marcus Garvey, militant panafricaniste jamaïcain dont le discours de 1921 intitulé The Work That Has Been Done ("Le travail qui a été fait") a inspiré à Bob Marley les paroles "Emancipate yourself from mental slavery" ("Émancipez-vous de l'esclavage mental") de Redemption Song.
De plus, le chiffre préféré de Green est le 42, et Bob Marley vivait au 42 Oakley Street lorsqu'il résidait à Chelsea, à Londres, pour écrire Exodus, dans les années 70. Il raconte : "Le faut que je réalise ce film était peut-être écrit. Comme pour beaucoup d'entre nous, Bob était un élément essentiel dans notre maison en grandissant. Sa musique est une musique de rebelles. C'est une musique de guerrier. C'est la voix du peuple. Bob chante tout ce que j'essaie de défendre dans ma vie. Cette intégrité est le fondement de ce film. J'ai l'impression que j'étais fait pour le faire".
Trouver l'interprète de Bob Marley a été une étape longue et difficile. Finalement, Ziggy Marley l'a trouvé en la personne de Kingsley Ben-Adir, vu dans la série Netflix The OA, One Night in Miami et Barbie. L'acteur souligne qu'il n'aurait pas accepté de participer au film si la famille de Bob Marley n'avait pas été impliquée.
Bien qu'il ait déjà incarné des personnalités réelles comme Malcolm X et Barack Obama, Ben-Adir ne se croyait pas du tout capable de jouer Marley, car il ne savait ni chanter ni danser. Au micro d'Entertainment Weekly, il plaisante : "je leur ai demandé s'il avait fait un casting à travers le monde et ils ont répondu par l'affirmative. Je leur ai dit qu'ils devraient peut-être en organiser un second". Mais bientôt obsédé par Marley, le comédien n'a eu de cesse d'analyser des prestations du chanteur et la confiance de Ziggy Marley l'a poussé à accepter le rôle.
Se glisser dans la peau du musicien a demandé à Kingsley Ben-Adir un travail d'une intensité inédite pour lui. Il a dû apprendre à jouer de la guitare, à chanter et à parler comme Bob Marley : "Il m'a fallu beaucoup de temps [pour rechercher des séquences d'interviews de lui] pour comprendre tout ce que Bob disait. Il était un poète dans sa façon de communiquer. Nous avons réussi à trouver le flux de Bob de manière organique, après plus d'un an de préparation". Il a également perdu du poids pour que sa silhouette colle à celle de l'artiste.
Kingsley Ben-Adir a visionné une cinquantaine d'interviews de Bob Marley pour s'imprégner de son patois (qui est une appropriation du dialecte jamaïcain de Nine Mile, sa ville natale), comme il le révèle à Entertainment Weekly : "J'ai recruté des Jamaïcains qui sont venus chez moi pour m'aider à traduire les passages que je ne comprenais pas, et nous nous sommes retrouvés avec un document de plusieurs centaines de pages de Bob, écrites phonétiquement".
Pour aider Ben-Adir à assimiler pleinement les complexités du patois de Marley, la production a fait appel à une autre légende jamaïcaine : Fae A. Ellington. Aujourd'hui célèbre dans son pays, Fae A. Ellington travaillait en 1976 sur un programme de magazine radiophonique pour la Jamaica Broadcasting Corporation. C'est dans ce cadre qu'elle avait pu rencontrer Neville Garrick, qui deviendra à la fois l'un des amis les plus proches de Marley et l'illustrateur de ses étonnantes pochettes d'album. Ellington est désormais professeure de langue jamaïcaine.
"Mon travail consistait à m'assurer que tous les personnages du film parlaient avec cœur et authenticité", explique-t-elle. "Dans chaque langue, il y a des nuances, mais je suis convaincu que la langue jamaïcaine a plus de nuances que n'importe quelle autre. Je le crois vraiment. Et je suis très impressionnée par Kingsley. En Jamaïque, nous sommes très, très critiques. Mais je pense que les gens seront très heureux de le voir et de l'entendre".
Afin de reproduire la gestuelle et la danse de Bob Marley sur scène, Kingsley Ben-Adir a travaillé avec la responsable des mouvements et chorégraphe Polly Bennett. Celle-ci a l'habitude de former des acteurs pour des biopics puisqu'elle a formé Rami Malek pour Bohemian Rhapsody, Austin Butler pour Elvis et Naomi Ackie pour Whitney Houston : I Wanna Dance With Somebody.
Ce qu'a fait Bennett, dit-elle, "c'est d'essayer de comprendre pourquoi les gens bougent comme ils le font. Cela vient d'un point de vue émotionnel. Il ne s'agit pas de copier quelque chose, mais de savoir comment Bob pense et se sent à un moment donné. Il s'agit de savoir pourquoi il fait ces choses qui le rendent célèbre sur scène".
C'est Ben Martinez qui a appris à Kingsley Ben-Adir à jouer de la guitare. Cet entraîneur de guitare accompli a travaillé avec l'acteur pour qu'il puisse, comme le dit Martinez, "non seulement jouer comme Bob, mais aussi comprendre son rôle au sein du groupe lorsqu'il joue". En d'autres termes, il s'agissait de donner à l'acteur un cours accéléré de théorie musicale et de pratique cinématographique.
Martinez précise : "Il est évident que Bob est un musicien célèbre qui possède des mélodies très spécifiques. Mais on ne le considère pas forcément comme un guitariste de haut niveau. Mais c'est un joueur sophistiqué. Bob jouait tout avec son pouce, ce qui est très Hendrix, y compris des accords que l'on ne penserait pas forcément à jouer avec le pouce, comme les accords en forme de A."
Il n'y a pas que la famille de Bob Marley qui a participé au film. D'autres enfants de musiciens jamaïcains ont été impliqués. Ainsi, Aston Barrett Jr., le fils de Family Man, le bassiste de The Wailers, joue son père à l'écran, tandis que le fils du guitariste Junior Marvin interprète lui aussi son propre père.
Très tôt, la production a fait le choix de tourner les séquences de concert en utilisant les pistes originales. "Nous avions le sentiment que les gens voulaient entendre la voix de Bob dans le film", explique John Warhurst, superviseur de la musique de production et superviseur du montage de la musique en post-production. Ainsi, les acteurs faisaient de la synchronisation labiale.
Néanmoins, c'est bien Kingsley Ben-Adir que l'on entend dans la séquence où Nesta interprète Redemption Song à ses enfants autour d'un feu. Le comédien confie : "Nous n'avions pas prévu que je joue et que je chante pour de vrai. Mais je voulais chanter pour comprendre la sensation et ressentir ce que Bob avait ressenti. Et en faisant le mixage, Stephen et Ziggy Marley ont décidé de garder ma voix."
Kingsley Ben-Adir mesure 1,85 m, tandis que Bob Marley mesurait 1,7 m. Une différence qui n'a pas posé problème à la production.
Pour Ziggy Marley, "L'authenticité de l'élément jamaïcain de ce film est quelque chose de jamais vu dans une production hollywoodienne de cette envergure. Ce film est une véritable représentation de la Jamaïque, de Bob et de la création de sa musique. Nous l'avons abordé comme un projet créatif et non comme un projet émotionnel. Mes émotions sont au-delà de cela. Il s'agit de montrer la vérité. "
La production peut s'enorgueillir d'avoir une équipe composée de plus de 250 Jamaïcains et une distribution composée d'artistes confirmés et de musiciens jamaïcains en devenir. L'équipe a bénéficié du soutien du Premier Ministre jamaïcain, qui a visité le plateau, ainsi que celui du ministère de la culture.
Bob Marley: One Love a été tourné dans des lieux importants de la Jamaïque, comme Port Royal, notamment l'emplacement de la jetée sur laquelle Bob et Rita Marley se sont embrassés pour la première fois, Bull Bay (la plage connue localement sous le nom de Marley Beach parce que Bob y passait beaucoup de temps avec ses enfants), les rues de Trenchtown, les studios Tuff Gong et à Strawberry Hill.
Concernant 56 Hope Road, demeure de Bob Marley désormais devenue un musée, elle a été recréée en se basant sur des photographies existantes. L'extérieur a été intégralement reconstitué, tandis que l'intérieur était pratiquement complet (cuisine, salon, salle de musique, escalier, chambre à coucher, véranda). Une trentaine d'habitants de Trenchtown ont aidé la production à construire la maison.