Il y a toujours un côté boursouflé dans les films réalisés par Scott Cooper, pas sur toute leur longueur, d'accord, mais de temps en temps, comme une formule exagérée et inappropriée dans un discours par ailleurs cohérent. Dans The Pale Blue Eye, la scène la plus spectaculaire souffre de ce mal récurrent et se situe franchement, par son outrance, à la limite du grotesque. Et que dire du twist final, après 1 heure et 40 minutes, alors que le film semble se diriger vers un dénouement attendu et relativement satisfaisant à défaut d'être bouleversant ? Une figure de style, pour étonner la galerie, mais qui tombe ridiculement à plat et ne suscite pas la moindre émotion. Pour le reste, la lenteur du déroulement de l'intrigue, si rédhibitoire pour certains, est au contraire un véritable atout pour poser une atmosphère, gothique et réfrigérée, et donner des couleurs hivernales à cette enquête menée dans le monde clos du West Point de 1830. La présence de Edgar Allan Poe lui-même pour participer à la recherche de la vérité n'est rien d'autre qu'un gadget narratif faussement malin (Poe de chagrin) mais après tout, il s'agit de l'inventeur du roman policier et permet de développer des dialogues croustillants avec force clins d’œil à l’œuvre postérieure de l'auteur du Corbeau (il y en a un, évidemment, dans le film). Beau casting à l'écran par ailleurs, même si Duvall, Anderson, Spall, Jones et Gainsbourg n'ont que des miettes par rapport à Christian Bale, irréprochable, et à Harry Melling dont l'interprétation baroque de Poe interpelle : du génie ou de l'afféterie ?