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Fêtons le cinéma
711 abonnés
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4,5
Publiée le 10 décembre 2020
L’Anglaise et le Duc est une œuvre de recherche et d’expérimentation qui se saisit des révolutions numériques liées, entre autres, aux fonds verts pour représenter la Révolution française non comme elle était mais comme la peinture nous en a transmis l’image. Aussi le recours aux effets spéciaux ne vise-t-il par la disparition de l’artifice par le parfait entrelacs du corps et du décor, mais au contraire à faire ressentir un Paris et ses étendus tels qu’ils pouvaient être perçus à l’époque. La notion essentielle est ici celle de représentation, soit le redoublement d’une réalité insaisissable par une autre, fruit d’une reconstruction par l’œil et le pinceau de l’artiste-peintre. Les personnages, comme le spectateur, vibrent dans cette vaste caisse de résonance qu’est l’Histoire ; et L’Anglaise et le Duc se préoccupe sans cesse de ce que les révolutionnaires – ou leurs victimes – pouvaient voir, sentir, toucher, comment ils s’habillaient et parlaient. C’est dire qu’exhiber l’artifice revient à le dépasser pour atteindre ce je ne sais quoi de véritable, une authenticité tirée du faux qui constitue la quête toujours rejouée du cinéaste. Et outre le portrait croisé de deux amis et anciens amants destinés à se perdre, Éric Rohmer brosse un autre portrait, celui de forces opposées qui s’affrontent. Il y a bien le peuple contre l’aristocratie, les peintures contre la reconstitution des intérieurs en studios ; il y a surtout l’affirmation d’une force de femme dans un monde d’hommes et de bourreaux, le masculin se caractérisant par ses manigances et sa soumission, constamment « esclave d’une faction ». Comme le reconnaît d’entrée de jeu Grace Elliott, « nous vivons dans un monde de calomniateurs ». Ou comment tirer de la duplicité des uns l’unicité de l’autre, et extraire du faux l’authentique. Une œuvre immense qui impressionne par sa densité et l’intelligence de sa forme.
Un film magnifique, centré sur le destin d'une amie anglaise du Duc d'Orléans, cousin de Louis XVI et partisan engagé de la Révolution française. Le Duc a été un homme privé excellent, mais aussi un homme public assez confus et pas très courageux-votant la mort pour s'éviter des ennuis-. L'atmosphère de l'époque, avec en particulier les visites domiciliaires sous la Terreur, est très bien rendus. De très bons acteurs et une direction de qualité.
Toute la valeur morale et historique du film tient sur l’affirmation de Rohmer (relayée à l’unanimité par la critique), de la fidélité de l’œuvre aux écrits. Valeur à relativiser cependant, tant la tendance sentimentaliste au témoignage individuel dans la retranscription de l’histoire collective est discutable, et tant le texte original est truffé d’erreurs. Le film adopte donc le point de vue moral de l’aristocrate anglaise Grace Elliott, qui entretenait des relations d’amitiés avec le roi, ainsi qu’avec le duc d’Orléans, malgré certains clivages politiques. Par cette vision subjective, Rohmer nous montre les horreurs de la Grande Terreur et cherche à poser la question intéressante: quel prix à payer pouvons-nous tolérer au nom de la Liberté? Mais problème, un survol rapide des Mémoires de Grace Elliott montre que le cinéaste, malgré ses dires, n’est pas fidèle aux écrits, mais arrange et manipule constamment le texte dans un sens clairement idéologique. Et alors tout l’édifice du film s’effondre. Par exemple, pour nous rendre plus juste Grace Elliott, Rohmer nous la montre initialement favorable aux idées progressistes de la Révolution. Cela est totalement démenti par les écrits, dans lesquels Grace Elliott ne se cache pas d’être une farouche monarchiste, vouant une haine à la Révolution dès juillet 1789. Et les exemples de manipulations de ce type sont nombreux. A noter cette omniprésence de la violence implicitement sexuelle des révolutionnaires (totalement absente du livre) qui en fait tous des violeurs potentiels, transformés en animaux dénués de langage, profondément idiots, et à la nature clairement criminelle. Rajouté à ces falsifications idéologiques une certaine obscénité sociale (le "bon" peuple est celui des domestiques ayant adopté les valeurs de l’aristocratie), "L’anglaise et le duc" doit être jugé pour ce qu’il est vraiment: un film au radicalisme idéologique virulent (et non assumé) qui est comme un non respect honteux à la complexité du passé.
La Révolution française et ses dérives sanglantes vues par une anglaise installée en France. Amie du duc d'Orléans, le cousin du Roi et futur régicide, Lady Elliott assiste avec effroi à la purge révolutionnaire. S'il n'était ses qualités esthétiques, la richesse des décors notamment, le film de Rohmer présenterait une réelle familiarité avec les languissantes dramatiques de l'ORTF! Car cette chronique sophistiquée et châtiée (a-t-on jamais entendu une anglaise parler si bien la langue française?) souffre, en dépit de l'originalité du point de vue, d'un constant manque de relief dramatique (si l'on excepte les dernières scènes). Certes, l'héroine est gracieuse -ainsi que ses conversations et ses effarouchements humanistes- mais l'éclairage qu'elle projette sur la Révolution et quelques uns de ses protagonistes historiques n'est pas franchement passionnant, n'a pas non plus les vertus d'une magistrale leçon d'Histoire. En tout cas, la faiblesse de l'intrigue n'est que partiellement compensée par le formalisme inédit et plaisant de la réalisation, où la technologie vidéo permet, sur des paysages et monuments dessinés, d'incruster des figurants, complétant ainsi une harmonieuse reconstitution d'époque.
Genre théâtre filmé ... C'est un film intéressant : il attise notre curiosité et nous fait entrer dans des pages d'histoire bien dures. La reconstitution du Paris de cette époque révolutionnaire est originale. Certes ... Mais sa mise en scène manque de naturel (de subtilité aussi) et le scénario brille en statisme. Le jeu emprunté de Lucy Russell renforce ce côté théâtral froid. En résumé, intéressant et sans enthousiasme.
Ce qui frappe évidemment en premier lieu c’est le remarquable usage de la technique numérique pour la reconstitution des décors du Paris révolutionnaire. Plutôt que d’opter pour le réalisme, Rohmer assume l’illusion cinématographique et se rapproche du pré-cinéma avec ces décors peints d’après les gravures de l’époque. Le résultat est magnifique. Ensuite, la description de la Révolution par deux témoins et acteurs, avec des dialogues intelligents, est un délice. Rohmer n’hésite pas à adopter le point de vue de son héroïne aristocrate et livre ainsi l’un des plus beaux films procédant de l’imaginaire de la Terreur.