Le coup de cœur du Festival de Deauville 2021 ! Sean Baker et Simon Rex nous ont mis la claque sensible, drôle et émouvante qu'on attendait. Ouverture sur Bye Bye Bye des NSYNC (le summum du tube ringard-attachant, pour ceux qui y ont échappé), avec Simon Rex en gros plan, ancien acteur porno, et assorti d'un titre suggestif (une "red rocket", dans l'industrie porno, désigne le sexe masculin en action...), on sent qu'on va voir un film atypique. Et atypique, Red Rocket l'est, dans le très bon sens du terme. Voici un véritable petit bijou de sensibilité et de tendresse envers les personnes fracassées de la vie, dont le personnage principal est instantanément adorable, qui repart avec les Prix du Jury et de la Critique, et les mérite amplement (ça n'est pas faute d'avoir voté pour qu'il obtienne aussi le Prix du Public... Dommage). L'intrigue est celle d'un acteur porno qui revient dans sa ville natale et se confronte à la mentalité méprisante ou moqueuse des gens sur son ancien métier. Comment se reconstruire, aller de l'avant, croire à une histoire d'amour, quand on a été si longtemps acteur de charme ? On se prend à rire franchement (surtout la seconde séquence "dénudée" sur le tube de NSYNC, un moment où toute la salle a explosé de rire), à s'émouvoir entre temps avec toutes les difficultés que rencontre le personnage (problème érectile dû à sa trop grande pratique, manque de confiance en soi, les gens qui jugent ce métier "impropre", la difficulté à trouver l'amour pour de bon...), à réfléchir avec ce côté "à la Shutter Island" qui nous a été confirmé ensuite en entretien avec le réalisateur et l'acteur (oui, c'est normal que les donuts changent de place en fonction des plans, que le prix soit exactement de 6,32 dollars alors que les commandes ne sont pas les mêmes, que la dernière scène emprunte tous les codes de la séquence rêvée... "Et si tout cela n'était qu'un rêve de Mikey, pour échapper à une réalité trop ingrate avec lui ?", nous suggère astucieusement Sean... Sacré filou, va, maintenant on va cogiter pendant des heures). Et surtout, surtout, surtout : on s'est vite pris à adorer Simon Rex dans ce personnage sur mesure, auquel il a beaucoup apporté par son expérience personnelle. Lui qui a touché à tout (interviewer pour MTV, rappeur avec Adrian Brody... oui, vous avez bien lu) pour finalement rester installé dans l'industrie du cinéma pornographique, et n'en sortir momentanément que grâce à la franchise des Scary Movie. Autant dire que ce film , écrit pour lui (Sean Baker ne voulait personne d'autre), devrait le lancer loin, tel un décollage immédiat qu'il mérite. Quand on le croise en chemise hawaïenne rose sur le festival, le bonhomme a le cœur sur la main avec tous ceux qui lui diront combien son rôle va changer les mentalités et montrer aux gens que les acteurs porno sont à mille kilomètres des clichés des "pervers accros au sexe", et au fond sont ceux qui ont tout à offrir à un drame puissant comme celui-ci. Il en est ému, et fier, on le comprend bien. Red Rocket est une petite révolution, qui passe tout en humour, en délicatesse et intelligence, reste une ouverture d'esprit qui a le visage de grand nounours de Simon Rex. On a adoré.