Le portrait féroce d'un désaxé de l'Amérique profonde. Tous plus losers les uns que les autres, les personnages vivent dans la torpeur d'un quotidien en stagnation : ils regardent la télévision, font l'amour, se trompent, se droguent. On les suit, guidé par l'œil bienveillant et pétillant de Sean Baker. On ne les déteste pas, ces personnages. On les plaindrait presque. Ils sont attachants, ces adultes qui n'en sont pas vraiment. Les situations, parfois tout sauf réalistes, restent crédibles - et c'est là le génie du réalisateur. Son regard fait mouche. Le Texas est filmé dans toute sa chaleur, sa lourdeur, sa désolation. La photographie, les couleurs sont superbes, mais les paysages eux-mêmes peinent à faire rêver. Mikey Saber, notre héros, parle vite, parle trop, parle tout le temps. On suit ses errances quotidiennes, diurnes et nocturnes, on croit deviner ses combines foireuses, on croit entrevoir les intentions des protagonistes, et on se trompe. Sean Baker nous surprend avec un récit tenu qui s'autorise quelques pas de côté. On ne sait jamais à quoi s'attendre. On rit beaucoup, les personnages, profondément bons, sont plein de surprises. Pouvait-on en attendre moins de la part du réalisateur qui nous avait déjà régalé d'un Tangerine explosif en 2015 et du fabuleux conte en couleurs, The Florida Project, en 2017? Pour ne citer qu'eux ! C'est certain : Sean filme mieux que personne les paumés des États-Unis... et on a hâte d'en voir d'autres.