Rester ou partir ?
Kenneth Branagh ces 100 minutes comme son film le plus personnel. Il lui aura fallu 50 ans pour trouver comment raconter son enfance et la période tumultueuse que traversait sa ville natale à cette époque. Été 1969 : Buddy, 9 ans, sait parfaitement qui il est et à quel monde il appartient, celui de la classe ouvrière des quartiers nord de Belfast où il vit heureux, choyé et en sécurité. Mais vers la fin des années 60, alors que le premier homme pose le pied sur la Lune et que la chaleur du mois d’août se fait encore sentir, les rêves d’enfant de Buddy virent au cauchemar. La grogne sociale latente se transforme soudain en violence dans les rues du quartier. Buddy découvre le chaos et l’hystérie, un nouveau paysage urbain fait de barrières et de contrôles, et peuplé de bons et de méchants. Raconter l’histoire à travers le regard d’un petit garçon est, à coup sûr, une idée de génie. Ce film bouleversant est une merveille.
Brannagh l’avoue, il s’agit ici d’une auto-fiction, car il a puisé dans sa propre vie tout en la romançant. Les expériences vécues par le petit héros passent par le filtre des nombreux films, programmes télévisés et autres histoires auxquels il est exposé. Ces images de cinéma ont eu un effet considérable sur le développement de mon imaginaire. Pour lui, la vie réelle est un western grandeur nature. L’imagination d’un garçon de 9 ans fait le reste. Le sublime noir et blanc parachève le miracle de ce très grand film. Voilà donc une des plus belles chroniques intimistes vues depuis longtemps. La musique est belle, la photographie fait penser à Cartier-Bresson et les acteurs sont lumineux. A voir sans attendre.
Que ce soit les « parents », Caitriona Balfe et Jamie Dornan, ou les « grands-parents », Ciaran Hinds et l’immense Judi Dench, - 88 ans -, ils sont tous les 4 parfaits, - ils ont d’ailleurs tous du sang irlandais dans les veines -, mais que dire de Jude Hill, admirable petit bout d’homme qui nous raconte la grande Histoire à travers son regard ? Sir Kenneth Brannagh sait transformer l’émotion pure en spectacle. Attention, chef d’œuvre !