Film événement lors de sa sortie, "Le Monde de Nemo" a retourné le monde de l'animation grâce à son scénario intelligent, ses personnages variés et attachants ainsi que son humour décomplexé, décapant, propre aux génies de chez Pixar. Visuellement magnifique, le long-métrage s'avère très vite être un chef d'œuvre du tout-3D, les graphismes étant époustouflants de réalisme mâtinés d'effet cartoon des plus agréables. "Le Monde de Nemo", cinquième long-métrage des studios Pixar, a rencontré un succès sans précédent l'année de sa sortie accédant ainsi instantanément au rang envié de classique du cinéma d’animation. Avec le recul, s’il possède des personnages super attachants et un rendu visuel tout simplement bluffant, le film pêche par une histoire trop convenue, un montage saccadé et quelques traits d'humour pas toujours très fins. Réalisé par Andrew Stanton et Lee Unkrich, "Le Monde de Nemo" reste cependant de très loin l'un des meilleurs Pixar jamais réalisés. Il a été le plus émouvant, le plus magnifique et le plus visionnaire de tous les films d'animations Pixar jusqu'alors (jusqu'à sa sortie). Il raconte l'histoire d'un poisson-clown Nemo, qui
se fait capturer par un dentiste près du récif de corail australien. Son père Marin, très protecteur, part à sa recherche avec l'aide de Dory, une poisson amnésique. Leur seul but est de trouver Nemo
. "Le Monde de Nemo" est un film poétique et émouvant, tout est porté par les péripéties, mais surtout par les personnages. Les personnages avec leur personnalité rendent en effet cette histoire unique. Marin, le poisson-clown, est ainsi le héros de l’histoire. Père du petit Nemo, il vit au tout début du récit
un drame qui marque à jamais sa vie. Il perd, en effet, sa femme et quasiment toute sa progéniture à naître alors même que le couple vient de décider de s'installer en bord de récif. Seul l'œuf de Nemo échappe ainsi à l’appétit d’un barracuda prédateur. Marin se promet dès lors de tout faire pour protéger son fils quitte à devenir par trop protecteur. Le film s'attelle de la sorte à montrer le long cheminement, au sens propre comme figuré, suivi par Marin pour abandonner sa culpabilité vis-à-vis de sa femme et la promesse qu'il s'est faite de protéger à tout prix son fils. Il doit ainsi apprendre à faire confiance et laisser vivre
. C'est donc par lui que le film tout entier véhicule l'émotion. Que cela soit avec Dory ou avec Nemo, Marin apporte, en effet, toute la tendresse (parfois larmoyante) à l’ensemble et, force est de constater, qu’il fait mouche à chaque fois ! Ses
retrouvailles avec son fils ou sa découverte des blessures de Dory
sont, par exemple, de très forts moments du film en ce sens qu’ils transmettent parfaitement aussi bien sa détresse que sa culpabilité. C'est l’humoriste Franck Dubosc qui interprète, tout en nuance, Marin en version française. Loin de ses pitreries habituelles, il étonne l’auditoire par son ton toujours juste. Marin va parcourir l'océan entier pour retrouver son fils Nemo, quitte à faire équipe avec une poisson-lune à la mémoire sans cesse défaillante, incapable de se souvenir de qu'elle fait. De rencontres inopinées (notamment une bande de requins luttant contre leur féroce appétit carnivore autour d'une bien étrange thérapie de groupe ou encore des tortues de mer baba-cools) en dangers impromptus, nos deux compagnons se découvriront chacun une personnalité qu'ils ne connaissaient alors pas. Nemo est un petit poisson-clown comme les autres à la nuance près
qu’il a une nageoire atrophiée, raison supplémentaire pour son père de le surprotéger. Il ne recherche dès lors qu'une chose : voir son paternel lui faire assez confiance pour le laisser vivre sa vie et découvrir le monde. C’est d’ailleurs par réaction à sa prison d’amour que, sur un coup de tête, après avoir désobéi, il se retrouve prisonnier dans l’aquarium d'un dentiste, à l’autre bout de la planète. Il va devoir ainsi apprendre à appréhender sa peur mais aussi grandir pour trouver le courage de s'évader
. Pour autant, malgré un rôle affichant de belles capacités narratives sur le papier, Nemo n'arrive jamais à faire véritablement vibrer les spectateurs. Il n’arbore au final qu’une personnalité d’une banalité affligeante. Dory est assurément avec Marin le personnage le plus intéressant du film. Ce poisson chirurgien bleu femelle subit, en effet,
des pertes de mémoire immédiate qui la rendent attachante à souhait. Elle oublie ainsi toutes les cinq minutes ce qu'elle vient de faire, ce qu’elle a dit ou qui elle a rencontré
. Il s'en suit des scènes cocasses et des dialogues savoureux à l’exemple de la scène où elle se trompe constamment de prénom pour Nemo. Croisant simplement la route de Marin, elle se met spontanément à sa disposition pour l’aider à retrouver son fils. Touchante, elle cherche, en réalité, à combler sa grande solitude. En se mettant en quête de Nemo, aux côtés de Marin, elle fait, sans forcément s’en rendre compte, coup double : trouvant une place et un ami. Le public ne peut que s’attacher à ce personnage au bagou d'enfer, à la naïveté déconcertante, à la confiance aveugle et à la joie de vivre communicative. Sa voix est assurée en anglais par la dynamique Ellen DeGeneres tandis qu'en France, Céline Monsarrat, connue pour être la voix de Julia Roberts, fait elle aussi des merveilles. Thème marin oblige, "Le Monde de Nemo" jouit d’une ribambelle de personnages secondaires plus ou moins bien définis. Ils se partagent entre le monde sauvage (l’océan) et le monde domestiqué (l’aquarium). Ce dernier est sans aucun doute celui où se retrouvent les personnages les plus faibles, narrativement parlant. Gill, le zancle, interprété en anglais par Willem Dafoe, en est un parfait exemple. Alors qu’il est censé être le mentor de Nemo dans l'aquarium, il ne parvient jamais à développer un once de capital-sympathie. Il faut dire qu’il commence mal avec sa tentative de sacrifier le petit pour servir ses propres intérêts, même s’il en éprouve quelques remords par la suite... Les spectateurs ne peuvent, en réalité, que se détourner de lui ou tout du moins ressentir une méfiance à son égard. Sur d’autres registres, ses compagnons de capture n’affichent pas un meilleur bilan. Tous (Boule, Astrid l'étoile de mer, Bubbles, Gargouille, Debbie (et son reflet Flo) ou encore Jacques la crevette) sont, en effet, sans grand intérêt. En réalité, les concernant, seul est à souligner la participation de Joe Ranft en anglais et de David Ginola en français pour assumer la voix du personnage français de l’histoire, Jacques... Côté océan, la galerie de personnages est autrement plus enthousiasmante. Au sein d’elle, deux toons sortent véritablement du lot. Bruce, le requin
devenu végétarien, est le premier d’entre eux. Alors que son espèce faisait de lui le méchant automatique (et convenu) de l’histoire, le réalisateur a eu l'excellente idée de prendre le contre-pied de sa réputation de prédateur féroce en le rendant quasi-inoffensif. Avec toutefois une vraie limite : il ne faut surtout pas avoir la mauvaise idée de saigner devant son nez, au risque de réveiller ses plus bas instincts
, fournissant au passage l’une des plus belles scènes du film. Le second personnage vraiment sympathique de ce film d'animation Pixar est à n’en pas douter Crush, le papa tortue de 150 ans. Doublé en français par Samy Naceri et en anglais par Andrew Stanton lui-même, il arbore, en effet, un côté de père cool, parfait opposé de Marin. Sa scène dans le Courant-Est-Australien, fun à souhait, donne ainsi une belle énergie à l’opus tout entier. A coté de l’univers marin, se retrouvent les personnages humains qui sont autant et indirectement les méchants de l'histoire. Le dentiste est ainsi celui par qui tous les problèmes arrivent. Pourtant, il ne fait "que" capturer le petit Nemo pour assouvir sa passion de l’aquariophilie, qu’il maîtrise pleinement et respectueusement. Sa véritable faute est donc à rechercher ailleurs : dans son idée d’offrir Nemo à sa peste de nièce, Darla. La fillette est l’archétype de la chipie, jusqu’à la présence de l'appareil dentaire démesurée qui orne sa bouche. Le personnage s’inscrit d’ailleurs dans la plus pure tradition de gamin méchant pixarien, inauguré par son pendant masculin, l’affreux Sid de la saga "Toy Story"... Mais en-dehors du spectacle, le long-métrage d'Andrew Stanton et Lee Unkrich nous offre une histoire maîtrisée de bout en bout. Tout d'abord l'aspect visuel de ce film est l'un des plus magnifiques que j'aie jamais pu voir dans un film d'animation, tous studios confondus, avec ces graphismes multicolores des fonds marins, la richesse du détail, la fluidité des mouvements... Les fonds marins sont splendides visuellement, colorés, riches en couleurs, détaillés, avec un soin tout particulier accordé aux détails, aux couleurs. On a donc ici des décors splendides, avec à la fois des couleurs chaudes et froides (bleu, vert, orange, violet, ocre, bleu nuit, bleu clair, émeraude, noir, violet, rouge...) avec des textures magnifiques (la couleur de l'eau de l'océan est sublime, et l'animation des fonds marins est exemplaire). On a là un décor propice à l'exploration (coraux, anémones, rochers, sable, algues, coquillages, récifs coralliens splendides, faune et flore marines, etc...) magnifiquement mis en valeur par le biais de personnages divers et variés. Outre l'aspect visuel de l’œuvre, le ton qui lui est donné repose sur les plus belles valeurs humaines (ou animales, vu la situation). A savoir l'apprentissage de la vie, le respect, les amis et la famille. Le message véhiculé est celui d'un père de famille à qui la vie arrache son seul et unique fils, Nemo. Un tout jeune poisson-clown capturé par l'homme, dont le destin bascule radicalement. Depuis un monde qui n'est pas le sien, factice et fondamentalement différent, le petit poisson vivra des aventures extraordinaires, aux côtés de personnages ô combien sympathiques et dévoués. Un grand moment d'amour, d'humour et de détermination unissant un père et son fils, comme si ces deux entités étaient liées par l'invisible. Si ces retrouvailles nous paraissent improbables, l'impact en est bouleversant. Le message qui nous submerge est littéralement de dépasser nos peurs vis-à-vis de l'inconnu et ses dangers afin de nous transcender, et ainsi réaliser les plus grands moments de notre vie. L'histoire se construit en deux histoires parallèles, où on a un père accablé dans sa quête pour retrouver son fils, et le fils qui tente de s'évader d'un aquarium à l'aide de ses nouveaux amis, et les deux histoires nous prennent vraiment bien. "Le Monde de Nemo" entremêle donc à nouveau humour, aventure et émotion à travers des sujets graves peu communs pour un film pour enfants (la dure responsabilité d'être père et la notion de confiance). Sans jamais tomber dans le sentimentalisme gnan-gnan, Pixar nous offre des séquences touchantes ponctuant une péripétie principalement hilarante où notre poisson-clown "qui n'est pas très drôle pour un poisson-clown" va découvrir un monde nouveau plein de dangers et de personnages délirants tandis que son propre fils, coincé dans l'aquarium d'un dentiste, se fait de nouveaux amis déjantés. Par ailleurs, la bande originale ne peut en revanche souffrir d’aucune critique. Sa genèse marque d’ailleurs un tournant chez Pixar puisque la partition n’est plus demandée à Randy Newman, auteur des musiques des films précédents. Il livre ainsi à l’opus une tonalité musicale différente de ses prédécesseurs avec une sensation d'immensité et plénitude tout à fait bienvenue. La splendide musique sait à la fois souligner parfaitement l'action mais aussi accompagner à merveille les quelques scènes de contemplation; la reprise par Robbie Williams de "Beyond the Sea", adaptation en anglais de la chanson "La Mer", interprétée par Charles Trenet en 1946 venant dès lors comme une cerise sur la gâteau.... Le rythme du film est géré à la perfection, maniant l'humour, l'aventure et la tristesse dans un équilibre manié à la perfection. La musique de Thomas Newman est magistrale. avec des sonorités étouffées et courtes à l'instrument à cordes pour coller à l'univers marin du film, et une musique mélancolique qui donne des frissons à chaque note. Visuellement, jamais un Pixar n'a égalé l'ampleur de ce film. Jamais le visuel n'a autant regorgé d'idées. Andrew Stanton mise sur sa particularité à mettre en scène l'infiniment grand au milieu de l'infiniment petit. Et dans la narration, le film nous offre l'honneur d'une double lecture intéressante. Que ce soit dans le visuel que je viens d'évoquer, ou avec les personnages qui portent le film à eux seuls. Le film aborde le thème de la confiance. Et il l'aborde en prenant des personnages que l'on considère marginaux dans la société pour rendre son message plus fort. Marin a perdu sa femme, il est un agoraphobe qui a une peur du monde extérieur et qui doit la surmonter pour sauver son fils. Dory est une amnésique qui souffre de solitude et qui combat ses pertes de mémoire par la présence d'amis. Nemo est un handicapé qui veut vivre comme tout le monde et prouver qu'il peut se débrouiller comme eux. Quand il apprend que son père surmonte ses angoisses pour le sauver, il n'hésite pas à retourner face au danger de l'aquarium pour pouvoir le retrouver. Et les personnages secondaires aussi sont des marginaux qui ont chacun une place dans la société et qui cherche à avoir la confiance d'autrui. Les alcooliques anonymes pour les requins qui cherchent à ne plus manger de poisson pour mener une vie sociale. Les tortues de mer qui sont très âgées mais qui vivent en se laissant porter par le courant. Et chaque membre des Siphonnés du bocal représente un traumatisme mental dans cet aquarium qui fait penser à un asile d'aliénés où chaque malade se concentre sur le seul divertissement qu'ils ont au point d'être des experts en la matière. Gill qui représente les vétérans de guerre avec ses cicatrices et son caractère torturé. Debbie qui représente les bipolaires avec sa double personnalité : Flo. Les drogués représentés par Bubbles obsédés par la vue des bulles. Jacques la crevette qui représente les nettoyeurs compulsifs. Boule le diodon qui représente les obèses (ou ceux qui ont des sautes d'humeur). Gargouille (le poisson violet et jaune) qui représente les hypocondriaques (ceux qui ont peur des maladies et des microbes). Et la trame du film se concentre justement sur la confiance. Ce film Pixar regorge aussi de scènes passionnantes, cultes et mémorables (la scène de la traversée du courant est-australien, les scènes avec le requin végétarien, la mort de Corail, le passage épique de l'affrontement des méduses, toute la fin du film et les scènes de sauvetage de Nemo, la scène de capture de Nemo, la rencontre avec les tortues de mer, avec les pélicans, etc...). "Le Monde de Nemo" est un film poétique, émouvant, rythmé, drôle, fascinant, beau, techniquement irréprochable, et magnifique, avec une réalisation splendide parfaitement maîtrisée. L'histoire est sympathique, bien racontée, développe bien ses personnages et est touchante. Mais le problème ne vient pas du film en lui-même, mais que le fait est que l'enjeu du film n'est pas aussi énorme que les autres films qui ont revu leurs ambitions à la hausse, surtout "Wall-E" en terme d'histoire. Bref, "Le Monde de Nemo" a été presque un précurseur au niveau de l'animation au même titre que "Toy Story" ("1001 Pattes" n'a pas eu le même effet) et que certains des films suivants ont été plus loin au niveau de l'animation, plus loin au niveau du traitement des personnages et plus loin au niveau de l'histoire. Mais même plus de 13 ans après, le film conserve toujours sa magie, sa beauté, sa poésie, son onirisme, sa grandeur, sa dimension épique et féérique, mais aussi et surtout son âme et ça c'est classe. Il s'agit là d'une prouesse visuelle, d'une histoire magnifique et digne des plus grandes épopées humanitaires de l'histoire du cinéma, avec des personnages à la personnalité à la fois familières et touchantes, d'une expérience de cinéma presque parfaite en-dehors de son côté très classique, très convenu. Mais il reste l'un des meilleurs films d'animation Pixar, voir l'un des meilleurs films d'animation tout court, avec une merveilleuse et sublime bande originale marquante, tous studios confondus. Merci Pixar. Et n'oubliez pas, nagez droit devant vous