Avec Ce qui reste, Anne Zohra Berrached désirait montrer comment une idéologie peut briser une histoire d’amour. « Nous décrivons le moment qui précède le “big bang” de la polarisation politique, la fin des années 1990, un amour fou avec pour toile de fond un événement historique terrible qui, par sa violence et sa puissance symbolique, engendre un vide durable et une énigme en chacun de nous. »
« C’est un film sur le pouvoir et l’impuissance, la vie et la mort, un couple qui se bat, se ment pour se protéger, s’aime et se blesse. Une femme qui entre dans une situation qui change sa vie toute entière et bouleverse le reste du monde », explique la réalisatrice. Avec ses producteurs Roman Paul et Gerhard Meixner, elle a entrepris un travail de documentation sur les terroristes et leur femme. À partir de ce matériau a émergé le personnage d’Asli, dont elle a voulu explorer les émotions. « Bien que nous ayons consulté une masse de documents, le film n’est pas le récit d’une séquence historique, mais plutôt ce que m’ont inspiré de nombreuses histoires et personnages que nous avons découverts » précise Anne Zohra Berrached.
« Pour Ce qui reste, je voulais contrebalancer l’événement mondial tragique vers lequel tend l’arc narratif du film par la présence d’acteurs qui ne seraient pas des visages connus et dont le jeu ne serait pas celui d’acteurs professionnels » précise la réalisatrice. Elle voulait des visages inconnus, jusque dans les rôles les plus mineurs, afin d’apporter le maximum d’authenticité à son film. Avec la directrice de casting Susanne Ritter, elle a procédé à un casting d’un an au cours duquel elle a rencontré plus de cinq cents acteurs et actrices amateurs.
Anne Zohra Berrached a eu du mal à dénicher l’interprète masculin principal de son film. Elle trouvait que les origines libanaises n’étaient pas assez perceptibles chez les candidats germano-libanais rencontrés lors du casting. Elle a fini par se rendre au Liban, où elle a organisé un casting en anglais et en français avec cent-vingt acteurs pendant trois semaines à Beyrouth. « Roger Azar était l’avant-dernier acteur à entrer dans la pièce. Je n’oublierai jamais la force, l’empathie et la fierté avec lesquelles il a joué Saeed », se souvient-elle. Pour maîtriser l’allemand, la production lui a fourni un appartement à Berlin et, avec l’aide de l’Institut Goethe, il a suivi des cours d’allemand six jours par semaine pendant près d’un an.
Les deux acteurs principaux ont commencé à répéter avec la réalisatrice un an avant le tournage. Il s’agissait dans un premier temps de leur faire jouer des situations de couple pour les mettre en confiance puis de leur faire improviser à partir de situations tirées du script, sans qu'ils ne l'aient lu. Ces répétitions étaient filmées et le script modifié en conséquence. « Parfois, nous avons réécrit des scènes entières en termes de séquence et de dialogue. Le script a donc en fait été créé par l’interaction entre les sensibilités et l’improvisation des acteurs » révèle Anne Zohra Berrached. Après six mois de répétitions improvisées, les deux comédiens ont enfin lu le script, qui a encore continué d'évoluer d’après leurs remarques.
Afin de leur permettre d’atteindre le jeu le plus authentique possible, Anne Zohra Berrached a laissé aux acteurs une liberté de mouvement totale. Sur le plateau, les décors et l’éclairage étaient préparés de façon à ne pas entraver le jeu des comédiens. La réalisatrice raconte : « Ils pouvaient utiliser certains meubles et on leur avait laissé le temps de s’approprier les lieux où les personnages évoluaient. Canan a fait le lit de l’appartement d’Asli, lavé la vaisselle et s’est servie dans le frigo ; Roger a passé quelques nuits dans l’appartement de Saeed. Ils ont porté leurs costumes chez eux pendant des journées entières. »