Soi Cheang, dans "Limbo", offre une plongée sombre et stylisée dans les bas-fonds de Hong Kong, avec un polar noir qui se détache par son esthétique léchée et un noir et blanc granuleux, signe d'une métropole déchue. Le film réussit à captiver par sa photographie et ses performances, bien qu'il pâtisse de certaines longueurs et d'une trame parfois confuse.
Adapté du roman "Dent de sagesse" de Lei Mi, "Limbo" présente un jeune officier, Yam Hoi, incarné avec une intensité nerveuse par Mason Lee, qui, associé à Chin, campé par un Gordon Lam toujours aussi puissant, navigue dans une enquête tortueuse de meurtres en série. Leur dynamique apporte un équilibre intéressant entre l'idéalisme juvénile et la désillusion cynique, même si le scénario manque parfois de profondeur pour pleinement explorer leur relation.
Cya Liu, dans le rôle de Wong To, livre une performance remarquable, tout en subtilité et retenue, qui apporte une touche de fragilité nécessaire au milieu de l'atmosphère lourde et oppressante du film. La caméra de Cheng Siu-keung se fait le reflet de cette ville fantomatique, capturant chaque goutte de pluie et chaque ombre avec une précision chirurgicale, ce qui lui a d'ailleurs valu un prix bien mérité.
Cependant, le film souffre de certains écueils narratifs. Si la première partie s'engage dans un rythme tendu, la seconde peine à maintenir cette intensité, se perdant dans des détails superflus qui alourdissent l'intrigue plutôt que de l'enrichir. Le récit se veut complexe et riche, mais la complexité tend par moments à l'abstraction, laissant le spectateur dans l'expectative face à des éléments peu exploités.
La musique de Kenji Kawai enveloppe avec brio cette descente aux enfers, tantôt lancinante, tantôt explosive, mais toujours en parfaite adéquation avec la tonalité du film. "Limbo" excelle dans sa capacité à créer une atmosphère, bien que le souffle épique qui devrait animer le dénouement se perde dans un final qui manque de clarté et de résolution.
En conclusion, "Limbo" est un film qui marque par son esthétisme et son ambiance, doté d'une photographie et de performances qui méritent les éloges. Néanmoins, la réalisation de Soi Cheang, si elle est maîtrisée, aurait pu bénéficier d'une écriture plus serrée pour éviter certains déséquilibres. Cela reste une œuvre qui se distingue dans le paysage du cinéma de genre asiatique et qui mérite d'être vue pour ses qualités visuelles et sa proposition cinématographique osée.