Adapté du roman « Wisdom tooth » (dent de sagesse) de l’écrivain chinois LEI Mi, professeur de psychologie criminelle en Chine, le film raconte l’enquête, en 2017, de 2 flics, Cham Lau [Gordon LAM, 54 ans, qui a joué dans 8 films du Hongkongais Johnnie To]) et Will Ren, jeune officier et chef du premier, plus âgé. Ils sont confrontés à un tueur en série qui sectionne la main gauche de ses victimes avec un objet contondant. Cela rappelle « Seven » (1995) de David Fincher (avec aussi un duo de flics, l’un qui va partir à la retraite et son successeur, plus jeune), par l’ambiance sombre (renforcée par de nombreuses scènes nocturnes et le basculement au noir et blanc après un tournage en couleurs), poisseuse et humide et « La Isla minima » (2014) d’Alberto Rodríguez mais sous le soleil d’Andalousie, avec 2 flics que tout oppose. Le réalisateur décrit une ville (Hong Kong ?) loin des clichés touristiques, avec 2 parties, comme dans « Metropolis » (1927) de Fritz Lang, une ville haute et une ville basse, sale, encombrée de détritus et de sacs poubelles et où vivent des marginaux, des dealers, des drogués et des prostituées. Il y a même des containers de membres de mannequins en celluloïd, rappelant une scène de combat à la hache du « Baiser du tueur » (1955) de Stanley Kubrick. On peut voir le film comme un brillant exercice de style sur le thème du duo de flics (ici brutaux et peu sympathiques de prime abord, avec une superbe photographie, des plans courts et serrés et des scènes d’action violentes et efficaces) mais aussi comme une vision critique de Hong Kong, 20 ans après sa rétrocession à la Chine en 1997, où, malgré un régime qui se dit communiste, les déclassés sont nombreux. D’où le titre anglais qu’on peut traduire par limbes et qui désigne, dans la religion catholique, un état de l’au-delà aux marges de l’enfer (où se trouveraient les justes, morts avant la résurrection du Christ ainsi que les âmes des enfants morts avant d’avoir reçu le baptême) et par extension, un état intermédiaire et flou. Dommage que l’analyse psychologique du tueur ne soit pas plus approfondie. Heureusement, c’est contrebalancé par l’excellente interprétation, très physique, de Yase LIU (32 ans, jouant Wong To,
femme sortie de prison qui veut se racheter auprès de sa victime et qui est poursuivie par la pègre qu’elle a dénoncée et le tueur
, faisant office de bouc-émissaire et de réceptacle de toute la violence de la ville) qui a obtenu le prix de la meilleure actrice au festival de Hong Kong.