Il y a quelque temps, pour certains, il était inimaginable de ne pas tomber en pâmoison à la vision des films du coréen Hong Sang-Soo. Il semble bien qu'il soit en passe d'être supplanté par le réalisateur japonais Ryūsuke Hamaguchi dont, parait-il, chaque film est encore meilleur que le précédant. Curiosité : beaucoup de critiques disaient de Hong Sang-Soo que c'était le Rohmer coréen et "Contes du hasard et autres fantaisies" est également comparé aux films de Rohmer. Si je cherche encore, vainement, des points communs entre les films de Hong Sang-Soo et ceux de Rohmer, je dois reconnaitre qu'il y a un peu de Rohmer dans "Contes du hasard et autres fantaisies", ne serait-ce que le titre. Mais alors, on est au rayon d'une copie pas totalement ratée loin d'être totalement réussie, on est au niveau d'un sous Rohmer qui n'aurait pas la finesse de l'original. En fait, ma relation avec Ryūsuke Hamaguchi est compliquée, commencée par Senses 1&2, pas exempt de qualités mais pas au point de me pousser à aller voir la suite, poursuivie avec Asako 1&2, largement supérieur, puis "Drive my car", pour moi largement surestimé. On arrive donc maintenant à "Contes du hasard et autres fantaisies", qui arrive tout auréolé du Grand Prix du jury (Ours d'Argent) au Festival de Berlin 2021. Un long métrage de 2 heures composé en fait de 3 court-métrages d'une quarantaine de minutes. Leur point commun : l'importance des personnages féminins ce qui explique peut-être qu'on parle de ce film comme étant un film féministe, détail important mais qui, franchement, ne m'a pas sauté aux yeux ! Si vous voulez voir un film japonais récent et vraiment féministe, allez plutôt voir le très beau "The housewife" réalisé par une femme, Yukiko Mishima : ben oui, on n'est jamais si bien servi que par soi-même. Et quant à la forme, on est là aussi dans une certaine forme de déception : certes, il y a toujours beaucoup de qualité dans les cadrages mais, contrairement aux films précédents de Ryūsuke Hamaguchi, l'image est très terne et souvent un poil surexposé.
"Ah, cher ami, le cinéma japonais ! Ses cadrages ! Sa plastique ! Sa lenteur ! Sa beauté formelle ! Le dissection des sentiments ! L'économie de moyens !" Ben en fait ce film est mortellement ennuyeux. Des dialogues interminables, des plans interminables, des situations interminables, cela confine à l'hypnose, les acteurs coupent les sentiments en quatre, non en vingt quatre, c'est le même texte que tout à l'heure mais à l'envers ou alors écourté ou enjolivé, on lutte contre la torpeur ... Le second conte réveille vaguement mais le dernier plombe définitivement. Dodo ! ...Et en plus çà dure deux heures ....
Ryūsuke Hamaguchi a filmé ces trois contes avec finesse et acuité. Les séries de duos sont bien écrits avec leurs hasards de vies qui peuvent faire échos à chacun d'entre nous. A voir ! Mon souhait : découvrir trois nouveaux contes de ce très talentueux réalisateur pour nous livrer d'autres situations avec des acteurs plus matures, histoire d'illuster que tous les âges sont soumis aux hasards et aussi aux contes.
Si tout le monde, et à juste titre, parle de "Drive My Car" qui a remporté l'Oscar du meilleur film international en ce début d'année 2022, il ne s'agit pourtant pas du seul film de Ryûsuke Hamaguchi sorti en 2021. "Wheel of Fortune and Fantasy", qui est sorti seulement en 2022 en France, est différent puisqu'il s'agit d'un film composé de trois histoires différentes qui n'ont pas de lien entre elles. Le point commun entre ces segments, au-delà du fait qu'ils dressent tous le portrait de plusieurs femmes, est qu'ils concernent à chaque fois trois personnes, mais seules deux sont présentes lors de chaque scène. Cela vaut aussi pour la troisième histoire même si la configuration est plus subtile. Cette histoire sur des retrouvailles entre anciens élèves est celle qui m'a le moins plu, qui m'a fait le moins ressentir de choses. Ce n'est pas mauvais, mais les deux premières parties sont remarquablement incarnées et écrites. D'abord la première avec une excellente Kotone Furukawa qui est impliquée dans un triangle amoureux qui va la forcer à se questionner sur ses véritables sentiments. Une histoire d'amour ou peut-être de simple possession... La partie centrale est une histoire de vengeance, mais aussi de désir avec le réalisateur qui arrive à installer une tension sexuelle sans jamais choisir la facilité. De bons échanges, une fois de plus, et une fin surprenante. Si le hasard fait parfois bien les choses, il s'agit surtout d'histoires imprévisibles et surprenantes. Bref, un vrai bon film.
Ces trois contes japonais qui relatent les relations amoureuses de jeunes femmes sont d’un intérêt inégal dans leur traitement. Certes la réalisation est soignée avec de belles prises de vues sur la ville de Tokyo mais le film m’a paru long et le scénario parfois ennuyeux.
La présentation de Guzen to sozo à Berlin, en 2021, a précédé celle de Drive my Car à Cannes. Le premier film se présente sous forme de triptyque avec des histoires et des personnages différents mais la petit musique du cinéma de Ryusuke Hamaguchi est immédiatement reconnaissable, dans un territoire sentimental qui se situe entre Hong Sang-soo et Rohmer, là où légèreté et gravité semblent danser un pas de deux. Les trois récits de Guzen to sozo (Contes du hasard & autres fantaisies) ont en commun une superbe écriture, une fluidité de mise en scène et un caractère romanesque certain, avec en points d'orgue le hasard, le passage du temps et le jeu, comme dans le dernier volet du film, peut-être le plus subtil de tous. De quoi s'agit-il ? D'un triangle amoureux, d'abord ; d'une manipulation funeste, ensuite ; d'une rencontre fortuite, enfin. Hamaguchi est l'un des rares cinéastes d'aujourd'hui à savoir capter l'insaisissable dans des portraits féminins d'une infinie délicatesse, incarnés il est vrai par des actrices remarquables. Chaque segment du film a son propre attrait, marqué par de longues conversations, souvent en tête à tête, mais la scène la plus stupéfiante appartient au deuxième, sans discussion, spoiler: avec ce moment où une jeune femme lit à haute voix à un écrivain un extrait érotique du roman que ce dernier a publié . Un passage troublant et ludique dont la conclusion ne sera absolument pas celle qui était attendue.
Ryûsuke Hamaguchi découpe Wheel of fortune and fantasy en trois chapitres. Chaque segment décline un récit indépendant des autres. Il en va de même pour le casting convoqué, chaque histoire est animée par une poignée de comédiens et propre à chaque chapitre. Wheel of fortune and fantasy trouve son entière unité dans sa forme. Elle est identique à celle désormais reconnue du cinéaste japonais : de longs plans séquences composés simplement, une caméra entièrement orientée vers les protagonistes de la scène filmée, des mouvements d’appareil lents et mesurés. L’unité du film tient aussi à son casting, quasi exclusivement féminin. Critique complète sur incineveritasblog.wordpress.com/festivals/berlinale-2021/