En 1943, l’armée allemande occupe une partie de l’Union soviétique. Elle s’appuie sur des forces supplétives hongroises pour protéger son arrière-garde des partisans communistes qui mènent des actions de guérilla dans les marécages et dans les forêts.
Après que son peloton a été pris sous le feu et que son chef est mort, le sous-lieutenant Semetka en prend le commandement.
Une mode se répand. Elle consiste à placer la caméra juste au-dessus de l’épaule du héros et de filmer, en longs plans-séquences, plus ou moins flous, tout ce qu’il voit. Ce parti pris, j’imagine, se veut immersif : il s’agit de nous donner à voir (sic) la réalité comme elle se présente au personnage principal. Cette réalité est chaotique, floue, mal cadrée. Cette grammaire là n’est pas celle du cinéma traditionnel qui cadre ses sujets, fignole la mise au point et isole le son en l’expurgeant des bruits ambiants qui pourraient le polluer. Me vient à l’esprit "Le Fils de Saul", un autre film hongrois, filmé selon le procédé. Mais j’en ai vu d’autres similaires, dont je ne me souviens plus au moment d’écrire la critique de "Natural Light".
On comprend fort bien le postulat qui préside à une telle mise en scène : il s’agit de nous immerger de la façon la plus réaliste possible dans un chaos, sans lui donner, comme le ferait une mise en scène plus orthodoxe, une rationalité et une organisation qu’il n’a pas spontanément.
Soit.
Mais le résultat est passablement déconcertant. Il est d’abord, à proprement parler illisible ou inregardable. On passe la séance à plisser les yeux, en se disant qu’il serait temps de retourner chez l’ophtalmologue, pour essayer de discerner des arrière-plans volontairement flous. Il est ensuite – et ceci est la conséquence de cela – incompréhensible. On ne comprend rien à ce qui se passe, à l’endroit où nous sommes, aux personnages qu’on voit surgir (paysans russes ? supplétifs hongrois ? partisans communistes ?) avant de disparaître.
Il faut se plonger dans le dossier de presse pour y apprendre que Dénes Nagy, un jeune réalisateur hongrois, qu’on imagine hostile au nationalisme cocardier au pouvoir aujourd’hui à Budapest, a voulu, en adaptant un roman de Pàl Zàavada, renvoyer à ses compatriotes le souvenir, qu’ils voudraient ensevelir, de leurs compromissions aux côtés de l’Allemagne nazie pendant la Seconde guerre mondiale.
Soit là encore.
Mais qu’on ait besoin de lire le dossier de presse pour le comprendre démontre que ce film, pourtant récompensé à Berlin par l’Ours d’argent du meilleur réalisateur, est d’une lecture malaisée.