Même vu dans une salle de cinéma, un documentaire n’est pas un film. On ne doit pas chercher à l’apprécier selon les mêmes critères. De sorte que l’hétérogénéité des séquences et des portraits présentés dans ce documentaire n’est pas un problème. Il faut accepter l’arbitraire des choix d’Alice Diop, la réalisatrice. En ce qui me concerne, les séquences consacrées à la célébration du souvenir de Louis XVI à la basilique de Saint-Denis, comme la dernière partie consacrée à une chasse à courre en forêt de Chevreuse m’ont paru superfétatoires. De même, les bouts de bobine d’archives où apparaissent les parents d’Alice Diop sont, pour elle, source d’une intense émotion. Celle-ci est difficile à partager par le spectateur.
On est un peu mitigé quant à l’intérêt du documentaire jusqu’à l’avant dernière séquence. Et là, le film s’éclaire, il devient lumineux. Grâce à un personnage au verbe fabuleux, l’écrivain Pierre Bergounioux. Il lit un passage de ses Carnets, en partie en voix off, puis il discute un peu à l’image avec Alice Diop. Et celle-ci entre admirablement dans ses mots. Le dialogue est intelligent, sensible, modeste et chaleureux. Paradoxalement, je reste dubitatif sur le fond de leur propos. L’un et l’autre s’accordent sut l’intérêt de montrer à l’écran la vie des petites gens, ce que Alice s’efforce de faire dans une grande partie de ce documentaire. S’il fallait être provocateur, on pourrait se demander si elle est si intéressante que cela, cette vie. Je veux dire intéressante pour les autres, au point d’en faire un film. Malheureusement, ces gens de peu n’ont pas les mots pour la raconter, cette vie, pour la mettre en scène. Et les images brutes, sans narration, tombent un peu à plat. Là où Bergounioux, intellectuel de la banlieue Sud nous parle, en nous y intéressant, des affres de ses pointes d’hypertension, la sœur de la réalisatrice, infirmière à domicile dans la partie Nord du RER, fait parler de pauvres femmes malades dont le discours nous semble désespérant, car attirant notre pitié. On sent et on apprécie l’empathie de l’infirmière, on se désole devant le sort de ses interlocutrices.
S’il fallait le dire autrement et de manière plus légère, on pourrait avancer que M’Bappé comme mon beau-frère Lucien ont, l’un et l’autre, parfaitement le droit de jouer au football. Mais je trouve qu’il est beaucoup plus intéressant, pour les spectateurs, d’admirer à la télévision les exploits du joueur du Paris Saint-Germain que d’imaginer regarder ceux de beau-frère, s’essoufflant le dimanche matin sur la pelouse du stade de Vazy-en-Brouette. C’est aussi ce qu’ont pensé, jusqu’à présent, les équipes de TV...