Trois ans après un « Persona Non Grata » peu convaincant, Roschdy Zem (Omar m'a tuer, Bodybuilder, Chocolat) revient sur les bonnes bases d’un drame familial, qui vise l’unité, par le biais de ses oppositions et de ses contradictions. On lui reconnaît volontiers une fibre d’acting incontestable, comme pour celles et ceux qu’il parraine, mais il faudra tout de même attendre encore un peu pour qu’il fasse l’unanimité derrière la caméra. Accompagné de Maïwenn à l’écriture, le cinéaste convoque ce qu’il saisit le mieux dans les rapports bouillonnants au sein d’une famille nombreuse, dont l’énergie peut aussi bien désamorcer la tension que de la rendre encore plus explosive. Un événement dramatique viendra paradoxalement changer la donne, en métamorphosant le plus discret de cette fratrie, qui ne cherche que l’osmose à tout prix.
Un repas ouvre le bal sur un mariage qui ne va pas fort pour Moussa (Sami Bouajila), qui voit alors ses enfants dérivent dans les caprices de leur vie, pleine d’ambition et de naïveté. On en rit, mais rien ne nous attrape vraiment dans cette caractérisation de personnages, qu’on aura déjà vu ailleurs. La sœur (Meriem Serbah) est un peu trop collante, tandis que les frères s’éparpillent dans la maladresse ou dans un ego qui les éloignent de cette communion, tant espérée par les retrouvailles. Lors d’un repas, on y mange bien, on s’y sent bien, malheureusement, ce sont parfois des joutes oratoires qui fracturent les relations, qu’importe le milieu social ou le fossé intergénérationnelle que l’on met en avant. Cette dissonance a de quoi interpeller lorsque l’on finit par assimiler la commotion cérébrale de Moussa au spectre de la société, qui dévoile tout un éventail de mots et de maux contre les traditions, la dépendance et le train de vie monotone de sa famille.
Tout cela est donc emballer dans une touche affectueuse qui blesse aussi vite qu’elle réconcilie. On ne pourra pas ôter cette envie ou ce besoin de sincérité, à l’égard d’une famille, que tout pourrait diviser, mais qui ne se prive pas de bons moments. C’est sans doute à cet instant que le film déballe toute la lourdeur du geste, dans un non-dit pertinent dans un premier temps, mais qui n’est pas aussi percutant qu’on le souhaiterait. La soudaine mise en retrait de Moussa, révélant au monde le fond de sa pensée, laisse de la place à son frère, Ryad (Roschdy Zem), qui ne s’angoisse pas un instant dans son exil passif, derrière son boulot ou dans sa relation sentimentale avec Emma (Maïwenn). Cette dernière, souhaitant ardemment se mêler aux siens, n'a pas d’autre fonction que de lui servir de recul sur sa rigidité et son caractère autodestructeur. Ce point de vue n’est pas neuf, mais dispensable dans ce format essoufflé, là où la sympathie que chaque protagoniste insuffle peut faire mouche au moins une fois dans la scène d’ouverture.
Dans « Les Miens », soit on se laisse séduire par le portrait jovial, soit on se réconforte de la trajectoire bienveillante, que l’on emprunte sans détour. La volonté de creuser les maux de chacun n’est pas d’actualité, ni même de faire de Moussa le porte-parole d’un éveil de conscience situationnel. Il s’agit ici de sonder la détresse des autres, de comprendre que la technologie nous éloigne plus des autres que l’inverse. C’est de l’humanité que l’on cherche, dans la spontanéité des émotions, mais alors pas toujours avec la subtilité adéquate, qui témoigne pourtant d’un sens du partage qu’il est bon de rappeler et de ne pas sacrifier.