Roschdy Zem livre avec « les Miens » un film probablement ultra personnel, et son film ne manque ni de qualités, ni d’intérêt. Ce n’est pas la première fois qu’il passe derrière la caméra, ni qu’il dirige Sami Bouajila d’ailleurs. « Les Miens » (très joli titre, au passage) est un film court (1h26) et qui va à l’essentiel, même si on peut lui reprocher quelques longueurs et quelques scènes un peu trop longues ou superflues. Il met en scène une famille maintes fois recomposées, dysfonctionnelle comme le sont toutes les familles. Au sein de la fratrie de trois frères et d’une sœur, devinez sur qui repose quasiment toute la « charge mentale » ? Devinez qui doit accourir en cas de problème, qui doit faire les démarches « pour aider » ? Et puis, il y a un frère au RSA alors qu‘un autre gagne très bien sa vie à la TV et possède un magnifique appartement. Les enfants suivent des voies différentes, entre celle qui a besoin d’argent pour partir étudier au Canada celle qui se rêve influenceuse et l’autre qui vivote en surfant sur des sites complotistes entre deux jeux vidéo. Ajoutez à ce cocktail un membre de la fratrie qui perd soudainement tous les filtres et n’éprouve plus le besoin de ménager personne, pas besoin de beaucoup secouer pour que tout explose ! Alors forcément, les scènes de disputes sont fréquentes, souvent bruyantes et pleines de mots terribles qu’on regrette d’avoir prononcé une fois qu’il est trop tard. Mais dans « Les Miens »,
peut-être que faire exploser cette fratrie c’est comme crevez un abcès : sur le moment ça fait très mal mais ça pourrait tout remettre un peu d’équerre.
Roschdy Zem se perd un petit peu parfois avec quelques scènes trop bavardes ou trop longues, entre lui et Maïwen notamment. Mais il se rattrape avec d’autres scènes d’une violence sourde très forte,
comme celle du « divorce à distance », à la limite du surréaliste.
La fin est certes un peu abrupte, elle n’offre pas toutes les clefs et on comprend que tout ne pourra pas être réparé facilement.
C’est une note finale pleine d’espoir, même si on sent bien, une fois la dernière image du film effacée, que tout n’est pas réglé pour Moussa et les siens.
Roschdy Zem s’est réservé le rôle ambivalent de Ryad, le journaliste sportif friquée et égoïste, et il le tient très bien, au début assez antipathique, il n’est cependant jamais caricatural, c’est un personnage « multicouche » assez bien écrit. Il dirige Rachid Bouchareb, Abel Jafri (dont le rôle, pour le coup, est étrangement sous écrit), Meriem Serbah (épatante), Maïwen (rôle indéfinissable et qui laisse une étrange sensation d’inachevé), et surtout un acteur épatant pour qui j’ai une grande admiration : Sami Bouajila. Des seconds rôles bien écrits, d’autres beaucoup moins, mais le rôle central de Moussa est tenu par un immense acteur que je trouve toujours trop rare dans le cinéma français. Sami Bouajila, au début du film tout à fait adorable, presque pathétique à force de gentillesse, se mue lentement en monstre froid et balance quelques vérités bien senties à son fils, à sa fille, à ses frères et à sa sœur. C’est parfois réjouissant, parfois un peu trop blessant pour ne pas mettre un peu mal à l’aise. Bizarrement, c’est avec Ryad qu’à ce moment là la communication est la plus sereine, comme s’il se rapprochait de ce frère tout en s’éloignant de tous les autres. Peut-être Roschdy Zem parle de sa propre expérience familiale dans « Les Miens », de la difficulté à « faire famille » comme on « fait équipe ». J’apprécie tout particulièrement que jamais, à aucun moment de son scénario, il ne pose la question des origines maghrébines ou de la religion comme un élément de l’histoire. Cette famille-là est une famille à laquelle on, peut tous s’identifier sans aucun problème. Sans forcément avoir toutes les qualités du monde, « Les Miens » est un film qui pose quelques bonnes questions sur le lien familial en se gardant bien d’y apporter des réponses définitives.