Pour son onzième long métrage, Emmanuel Mouret a opté pour une chronique sentimentale. Un genre par lequel il a pu proposer une progression dramatique par ellipses où, à chaque nouveau rendez-vous des amants, le spectateur doit être attentif à une somme de petites choses qui évoluent. Il explique :
"Le mot « liaison » est un mot qui me plaît beaucoup. « Les liaisons dangereuses » ou « Liaison secrète » étant de si beaux titres, j’aimais l’idée d’y adjoindre la notion d’éphémère, quand bien même une liaison est passagère par définition, afin que le titre suggère d’emblée l’enjeu dramatique du film."
"Ainsi, le spectateur sait que les moments heureux donnés à vivre aux personnages sont promis à une fin annoncée. J’aimais que le suspens soit donné dès le titre. Quant à cette sensation de fluidité que vous évoquez, elle est le fruit d’un flux quasi ininterrompu de paroles et de déplacements des personnages."
Le film a été présenté dans la sélection Cannes Première au Festival de Cannes 2022.
L'un des aspects ayant séduit Emmanuel Mouret dans ce projet réside dans le fait qu'il accorde beaucoup d'importance aux moments où les deux amants se retrouvent : "Quand le film débute, nous assistons à leur premier rendez-vous seul à seul."
"Ils posent ainsi les bases de leur mode opératoire : ils veulent une relation qui ne repose que sur le plaisir. Dès lors, l’enjeu pour le spectateur est de voir si leur contrat va être respecté ou non. Et l’on découvre dans un premier temps que cela se passe très bien entre eux !"
"Puis, conséquence de ces moments heureux, on assiste à la naissance de sentiments qu’ils ne peuvent pas exprimer, puisque ce contrat le leur interdit. Jusqu’à quel moment cette relation de légèreté va-t-elle durer ? Peut-on vivre une relation uniquement consacrée au plaisir ?"
"Ce sont les questions que je trouvais intéressantes de développer au fil de ces rendez-vous. J’y voyais là un film à suspense autour de personnages éprouvant des sentiments amoureux qu’ils se doivent de contenir", développe le metteur en scène.
Chronique d’une liaison passagère repose sur la performance des deux acteurs principaux. Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne se sont ainsi préparés très en amont, car il leur fallait connaître le texte sur le bout des doigts pour qu’Emmanuel Mouret puisse "filmer la parole 'l’air de rien'". Le cinéaste précise :
"L’enjeu pour moi était de saisir leur travail et de le rendre le plus fluide et le moins installé possible. Je ne voulais pas d’un film de chambre, mais bien au contraire un film très aéré et ample restituant quelque chose de la circulation des sentiments et des désirs, quelque chose de la grandeur de leur aventure."
"J’ai très peu usé du champ-contrechamp pour qu’on ne se lasse pas d’allers-retours trop répétitifs. L’idée étant qu’on ne soit jamais vraiment posé, il fallait donc que mes comédiens soient toujours en mouvement. J’ai opté pour des plans-séquences avec beaucoup de déplacements, et j’aime beaucoup faire ça."
"Par conséquent, ma direction relevait presque de la cinétique, on ne voit quasiment jamais les comédiens assis. Je voulais que l’œil du spectateur cherche constamment à les saisir. On a beaucoup joué avec le cadre, les apparitions/ disparitions, les hors-champ, les contre-jours, les personnages de dos, etc."
Emmanuel Mouret voulait que les décors du film soient à la fois variés et vastes, pour donner plus d'ampleur à l'histoire. Il a aussi eu recours au format Cinémascope et aux plans larges. Il confie : "Je voulais faire le contraire d’un film intimiste. Cette liaison devait être une grande aventure. J’ai donc joué sur des choix de musées, de décors naturels susceptibles de générer cette impression de spectaculaire."
Emmanuel Mouret et Vincent Macaigne avaient déjà collaboré sur Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait, le dixième long métrage du réalisateur.
Chronique d'une liaison passagère permet à Emmanuel Mouret de retrouver son équipe technique attitrée, composée du directeur de la photographie Laurent Desmet, du chef décorateur David Faivre, de la chef costumière Bénédicte Mouret et du chef monteur Martial Salomon :
"Nous prolongeons de film en film un dialogue ininterrompu, et tous préparent le film ensemble, personne ne travaille dans son coin. La direction artistique du film a été pensée très en amont. C’est l’avantage de travailler avec la même équipe depuis longtemps", explique le cinéaste.
Emmanuel Mouret et le scénariste Pierre Giraud ont opté pour une bande-originale éclectique, allant de Mozart à Serge Gainsbourg. Le cinéaste explique : "Le choix des musiques est souvent guidé par le hasard, à part Ravi Shankar, qui figurait dans le scénario."
"Pierre Giraud y avait pensé et cette idée m’a plu, car j’ai grandi avec des parents qui écoutaient sa musique. Quant à La Javanaise, qui revient comme une ritournelle, c’est une idée de mon monteur, qui s’est inspiré d’une interview dans laquelle je citais ce titre."
"Et Mozart, il se trouve que j’écoutais ses sonates au réveil pendant le tournage, il me semblait déjà qu’elles entraient en résonance avec le film. Ce qui est beau dans cette légèreté mozartienne, c’est qu’elle est profonde. J’aime le fait que ces sonates sont sentimentales sans trop en dire."