"Pauvres créatures" ne laisse personne indifférent. C'est un film à prendre ou à jeter, d'un bloc, comme la révolution française d'après Sobel. On aime ou on déteste. Long, confus, vulgaire pour les uns ; renversant, radical, époustouflant pour les autres. Sorte de mélange entre Peter Greeneway pour les couleurs et le côté malsain (le rapport à la nourriture par exemple), de Tim Burton-Terry Gilliam pour l'invention d'un univers passéiste et futuriste à la fois, de Stanley Kubrick pour le goût des lentilles déformantes, et bien sûr de Frankenstein au féminin pour l'histoire (et on se souvient que TIm Burton avait le sien... avec un chien). C'est criard, jusqu'au-boutiste, fabriqué - en assumant les quasi toiles peintes en décor. La frénésie sexuelle, les fluides corporels (
magnifiques bulles lancées par le savant fou à chaque digestion
, sans parler du reste pour Bella baxter), les mauvaises manières sociales, tout y passe dans cette découverte du monde, de son corps, de ses instincts, de ses envies par une femme à l'esprit d'enfant sans a priori. Récit d'émancipation féministe, où les hommes font pâle figure, qu'il soit un casanova frénétique (Mark Ruffalo), militaire rigide, clients de bordels, snob cynique, etc (
Emma Stone leur règlera leur compte à tous, sauf au plus passif, doux, effacé, bref "déconstruit", d'entre eux et au père, mais qui est eunuque
). C'est fort, ça secoue, ça ne s'oublie pas, le film est rempli de trouvailles visuelles, d'idées, de gags, mais cela sent le faiseur à plein nez. On ne s'y ennuie pas, malgré la durée, tellement c'est trépidant, voire éreintant, mais cela n'apporte rien de plus qu'un bonbon de farce-attrapes, acidulé et poivré.