J'avais été ébloui par le roman baroque et philosophique d'Alaisdair Gray, il y a deux ans, auteur Écossais génial. J'avais à la fois hâte, tout en ayant quelques appréhensions, en allant voir l'adaptation au cinéma, tant elle m'apparaissait difficile. Mais je n'ai pas été déçu! Je suis assez en colère contre certaines critiques, faisant la moue, devant ce que j'appelle un vrai chef d’œuvre. Le metteur en scène et les acteurs ont réalisé là quelque chose d'extraordinaire. J'espère que des spectateur iront vers le roman, pour apprécier la performance. Bien sûr les acteurs, et en premier lieu Emma Stone interprétant Bella réalisent là, une prestation très forte. C'est plein d'esprit, drôle, dérangeant, et jubilatoire. Et tellement beau à regarder!
On est subjugué par la qualité des décors, clins d’œil à l'univers de Jules Vernes,de l'art Viennois, et l'univers rococo et l'extravagance de Federico Fellini! Les images sont parfois d'une beauté onirique remarquable. Que dire de scènes d'anthologie, telle cette danse frénétique et sauvage, pulsionnelle, traversant une salle de danse, bouleversant les convenances des notables.
L'histoire est elle aussi un mix des thèmes gothiques des romans de Wells avec ces monstres issus des premiers romans de science fiction anglais tel que "l’île du docteur Moreau", et son laboratoire d'animaux mutants et hybrides.
Il est facile de faire bien sûr aussi le rapprochement sur la fabrication de Bella, avec "l'étrange créature du docteur Frankenstein" de Mary Shelley.
Des romans qui possédaient le même questionnement philosophique que cette histoire fantastique, en nous interrogeant, sur notre culture, nos tabous et nos valeurs!
Bella, contrairement au monstre de Frankenstein ne fait pas peur en premier lieu, tant elle est jolie. Seulement en deuxième.... Comme la célèbre créature, son innocence et sa liberté totale, sans la retenue que donne la bonne éducation, crée des quiproquos, des impairs, et des scandales. N'ayant aucun tabou, aucun filtre de retenue, elle avance dans la vie comme un ange rédempteur, et fait office de révélateur sur les codes et les névroses qui nous dirigent!.
S'il faut continué à évoquer la littérature Anglaise, cette féerie, ce n'est rien d'autre aussi qu'un remake de l'histoire " d' Alice au pays des merveilles", de Lewis Caroll. Alice échappe à la surveillance de sa grande sœur, tombant dans un trou de lapin, et se retrouve propulsée dans un monde glauque, rencontrant des animaux qui parlent. Elle va elle ainsi de surprise en surprise, à mesure qu'elle grandit et se modifie à vue d’œil.
Comme Alice, Bella commet des impairs, se montre naïve et maladroite, mais possède un grand cœur et est toujours prête à aider son prochain. Autant de qualités qui peuvent vous attirer de graves ennuis, au pays des gens soi disant éduqués.
Mais de cela, Bella n'en a que faire! Elle est jeune et veut s'instruire en faisant le profit de tout ce qui s'offre, bon ou mauvais ! Car la connaissance vient de l’expérience. Et le jeune Boudha, ce fils de prince qui échappa du luxe de son château pour échapper au mensonge, pour se faire mendiant, ne dira pas le contraire!
Comme Alice, Bella met un certains temps à analyser les codes, mais dés qu'elle comprend leur bétise, ceux ci la scandalise et la pousse à l'action! Elle révèle ainsi sa nature généreuse, face à l'injustice et à la méchanceté et à l'indifférence du monde. Cette insolence jubilatoire, mettant à mal notre conception d'une sexualité malade, corrompue, d'où partent les tenants de la domination, à l'heure de metoo, nous fait un bien fou. Mais le message est évidemment bien plus large. Ce film est avant tout un film engagé, bien au delà de son message féministe évident, nous poussant à réfléchir à ce que nous sommes, et ce que nous donnons aux autres.