J'avais commencé l'année 2023 en salles en fanfare, avec une séance jouissive de "Babylon". Je commence l'année 2024 dans un autre style, mais avec une œuvre qui place également la barre très haut pour les mois à venir...
"Poor Things", c'est le dernier bébé de Yorgos Lanthimos, qui nous livre ici un conte initiatique, sorte de relecture de Frankenstein. Dans une époque vaguement victorienne, un savant crée Bella, une femme adulte avec l'esprit d'un enfant. Qui va néanmoins très vite se développer. Bella découvrira le monde, les femmes, les hommes, et surtout le sexe.
La première demi-heure, en noir et blanc, m'a mis bien mal à l'aise comme il faut. Mêlant du body horror et des intentions humaines mais pas vraiment très nobles chez nos protagonistes. Puis on s'embarque pleinement dans le récit initiatique coloré et plaisant.
Les acteurs sont fantastiques. Emma Stone incroyable dans le rôle cette "créature" qui grandit intellectuellement, et découvre son corps, son esprit, le monde, la place attendue de la femme. L'actrice donne par ailleurs allègrement de sa personne, on croule sous les scènes de sexe... Et impossible de ne pas citer Mark Ruffalo, désopilant en séducteur invétéré, qui voit peu à peu son monde d'effondrer alors que sa "sex doll" mûrit !
La direction artistique est démente. Je m'attendais à un récit victorien avec quelques folies, c'est plutôt l'inverse. On est dans une espèce d'univers steam punk avec de l'Art Nouveau à tous les étages. Yorgos Lanthimos utilise énormément les grands angles, montrant toutes les coutures de ce monde poétique... du moins tel que Bella le perçoit ? Les costumes sont également très beaux.
Surtout c'est une oeuvre profonde. Certains le réduiront peut-être à un film féministe, en réalité ça va beaucoup plus loin. "Poor Things" parle de parentalité, de religion, et de relations entres les hommes et les femmes. Avec évidemment, certes, la place des femmes dans la société, et la façon dont elles sont perçues et/ou contrôlées. Mais on est très loin du pamphlet stérile comme le font d'autres films opportunistes. "Poor Things" est riche d'idées, et remue le bide.
C'est aussi un long-métrage très drôle. Comme dans les précédents films de Lanthimos, l'humour est absurde, noir, cruel, et souvent inattendu. Si vous adhérez au style du réalisateur, vous y trouverez votre compte !