À bout de souffle porte bien son nom, le montage rythmé évoque un marathon parcouru par Michel Poiccard, un truand qui ne prendra qu'une seule pause, à savoir la chambre de la jeune femme avec qui il aimerait coucher. Et à bout de souffle je l'étais en même temps que le personnage principal à la fin du film, à force de soupirer. Le montage est bel est bien rapide, mais il peut aussi être qualifié de brouillon. Godard use beaucoup des jumpcut. Ils sont particulièrement bien utilisés lors des scènes en voiture : la première fois ils servent à une ellipse intelligente, la deuxième fois ils suggèrent que la conversation a laquelle on assiste n'est qu'un fragment d'une discussion qui a duré beaucoup plus longtemps. Mais le reste du temps, ils ont une utilité discutable, surtout lorsque les personnages se parlent en plan fixe. Ce surdécoupage ne permet d'apprécier que trop rarement le travail sur l'image et l'éclairage. L'histoire aurait pu compenser ces défauts si elle avait raconté quelque chose de beau et vrai, mais ce n'est pas le cas. A aucun moment je n'ai cru à cette histoire d'amour, Belmondo et Seberg n'ont absolument aucune alchimie. La jeune femme n'a de cesse de répéter à tous ceux qu'elle croise qu'il y a quelque chose qui lui plaît chez ce bandit, qu'il est gentil, mais ce n'est pas tout de le dire, il faut le montrer ! Le mec ne fait que de la rabaisser, de s'énerver tout seul et de la harceler pour qu'ils couchent ensemble. Les deux sont amoureux parce que le script le dit, point barre. Une fois seul, le personnage de Seberg fonctionne, on la voit se regarder dans un miroir, s'amuser avec les marquages au sol de la route, etc. Elle développe un côté naïf, renforcé par son accent charmant, mais les dialogues abusent tellement du "C'est quoi machin ? C'est quoi truc ?" qu'elle finit par sembler un peu cruche. Ceci dit, c'est toujours mieux que le personnage de Belmondo, qui lui est infect de bout en bout, vil, lâche, méprisant, toujours à vouloir coller son petit grain de sel quelque part. Il m'a tellement insupporté que je n'ai pas pu m'empêcher de lui dire "Ta gueule !" a voix haute à un moment donné. Évidemment le jeu en roue libre totale de l'acteur n'a pas aidé, et le doublage doté d'une synchro labiale digne des diffusions NRJ12 non plus. Et je sais bien que c'est voulu par le réalisateur, mais ce n'est pas parce qu'il y a une intention derrière que la démarche est pertinente et le résultat probant. La scène où le personnage brise le quatrième mur est assez symptomatique du film : oui c'est novateur, d'accord c'est rigolo, mais après ? Qu'est-ce que cela apporte au reste du film, à part un effet de style supplémentaire plus ou moins superflu ? Je salue la volonté de vouloir faire voler les codes en éclats, mais pour moi le résultat est raté.