Ai vu "Falcon Lake" de Charlotte Le Bon qui vient d'obtenir le Prix Louis Delluc 2022 du premier film. C'est vraiment parce que les critiques de mon cher "Masque et la Plume" étaient unanimes que je suis allé voir ce film, car Charlotte Le Bon (ex miss météo historique et hystérique de Canal +) en d'un plus scénario tiré d'une Bande dessiné, sur le papier je n'étais pas du tout tenté : et j'ai vu un film admirable. "Falcon Lake" est certainement le plus beau film sur les prémices de l'adolescence, ces quelques semaines où l'on ne se sent plus un enfant, où l'on est attiré irrésistiblement par le monde des plus grands tout en étant un peu effrayé car on n'en connait pas les codes, ni le langage. La réalisatrice filme par de toutes petites touches très subtiles cet été de mutation où Bastien 13 ans (formidable Joseph Engel) sort lentement, avec maladresse et humour de sa chrysalide. Bastien est fasciné par sa cousine Chloé 15 ans (étourdissante Sara Montpetit) qui a deux ans de plus que lui et qui est une adolescente dans toute sa maturité, son ingratitude, ses troubles, ses sautes d'humeur, ses contradictions. Tout le film se déroule au bord d'un lac au Canada pendant un mois d'été. Charlotte Le Bon filme la nature (les remous du lac, le vent dans les arbres) à l'accéléré ce qui donne une sensation étrange et inquiétante de frémissement, de bruissement. Les paysages sont inquiétants, luxuriants et lunaires... La lumière est sublime et l'on ne sait jamais si ce soleil qui frôle constamment l'horizon est celui de l'aube ou celui de l'aurore. C'est filmé en 35 mm avec un grain particulier qui transcende totalement cette lumière. Tout cela aura une justification dans les dernières minutes du long métrage. Film délicat et d'une grande sensibilité, la caméra de Le Bon est toujours à la bonne distance de ses personnages, c'est assurément une grande metteur en scène et directrice d'acteurs qui vient de naitre. Les adultes du film sont toujours mis à distance et c'est vraiment le monde de l'adolescence avec ses longs silences, ses regards dans le vide, sa lassitude corporelle qui retient l'attention, qui imprime la pellicule et l'âme du spectateur. Aucune mièvrerie, aucune facilité, Charlotte Le Bon réussi le miracle de filmer tout ce qui est indicible, inaudible, incompréhensible à cet âge difficile. Ce film ne ressemble en rien aux films français sur le même thème, ni aux films américains... Chloé est canadienne, Bastien est français et c'est aussi la rencontre de ses deux cultures qui amène du mystérieux, de l'insolite et du saugrenu. "Falkon Lake" est souvent très drôle dans ses répliques déconcertantes, dans certaines situations totalement loufoques et si justes. "Falcon Lake" est assurément une excellente surprise et s'il y a bien un film à voir en cette fin d'année (et en famille où seul) c'est celui-ci.