Tout de suite, c’est la question de la place qui va se poser avec subtilité et authenticité. L’enfant, intrinsèquement autocentré va devoir comprendre que les adultes peuvent vivre autrement qu’avec lui, vont pouvoir aimer autrement. C’est la question de la place intenable pour Rachel. L’inconditionnalité de l’amour d’un père pour sa fille face à l’amour passionnel d’un couple naissant. Il n’y a jamais trop d’amour pour un sentiment qui ne se conjugue qu’à l’excès, qui doit s’ajouter sans arrêt, mais pas s’opposer ou pire se restreindre. Le cœur, c’est toujours plus.
On a beau aimer tellement fort, la possibilité de l’amour inattendu est autant exponentiel qu’inexplicable. La science brille alors par son inexactitude ou inutilité, c’est le triomphe de la déraison, et c’est très bien ainsi.
« A la fin de la journée, c’est vous son père et sa mère ». Rachel ajoutera : « J’ai honte d’avoir cette conversation, car c’est trop banal ». Oui c’est comme un cliché mais le caractère inextricable de cette situation engendre mécaniquement le stéréotype. Pourtant, point de deuxième maman, pas de retrait, juste un apport, une nouvelle personne dans la vie de l’enfant, une ouverture au monde de plus.
« Bon, ben j’vous laisse ». Elle sera amenée à le dire tellement souvent. Rachel est présente au gré des envies des autres, comme une privation de sa liberté, de son libre arbitre, une permanente adaptation car l’enfant est sacré, même si comme le dit avec beaucoup de justesse Ali, le papa à propos de sa fille : « Elle est adorable…. Mais elle peut être très casse couilles aussi !! ». On demande à Rachel de prendre une place, sans en avoir pourtant la légitimité, c’est déchirant, ça écartèle, ça mutile. C’est un piège d’amour.
Même si finalement, ce que nous dit aussi « Les enfants des autres », film très juste et percutant, qui aurait encore plus davantage toucher à la grâce, c’est que compter pour les autres, juste, ça fait du bien.