"La Bête", un drame psychologique de science-fiction franco-canadien orchestré par Bertrand Bonello, se dresse comme une énigme cinématographique, tissant habilement les fils de l'anticipation, de la romance et du mysticisme. Inspiré librement du roman "La Bête dans la jungle" d'Henry James, le film se déploie sur trois époques distinctes, proposant une réflexion sur l'évolution des émotions humaines dans un futur dystopique où elles sont perçues comme une menace.
Le récit s'articule autour de Gabrielle, interprétée avec une intensité mesurée par Léa Seydoux, qui, dans sa quête d'une purification émotionnelle via une technologie avancée, traverse des vies antérieures et découvre un lien indéfectible avec Louis, incarné par George MacKay. Ce dernier, dans un effort remarquable, maîtrise le français pour son rôle, ajoutant une couche d'authenticité à son personnage.
La réalisation de Bonello brille par moments, capturant des instants de pure beauté cinématographique grâce à la photographie de Josée Deshaies. La musique, signée Bertrand et Anna Bonello, enveloppe le film d'une atmosphère à la fois onirique et inquiétante, soulignant la dualité au cœur du récit.
Cependant, malgré ses ambitions et son esthétique léchée, "La Bête" trébuche parfois dans son propre labyrinthe narratif. L'adaptation libre du texte de James offre un terrain fertile pour l'expérimentation, mais le film peine à maintenir une cohérence dans son exploration des thèmes complexes qu'il aborde. Les transitions entre les différentes époques, bien que visuellement distinctes, s'entremêlent parfois de manière confuse, diluant l'impact émotionnel potentiel de l'histoire.
Le casting, bien que doté de talents indéniables comme Seydoux et MacKay, est par moments sous-utilisé, laissant peu d'espace pour que les personnages secondaires se développent pleinement. Cette sous-exploitation contribue à un sentiment d'inachevé qui plane sur certaines parties du film.
L'accueil critique, bien que globalement positif, reflète cette ambivalence. Sélectionné pour la compétition officielle de la Mostra de Venise 2023, le film a su captiver l'attention sans pour autant marquer les esprits de manière indélébile.
L'initiative audacieuse de remplacer le générique de fin par un QR code, bien que novatrice, symbolise peut-être involontairement cette quête de connexion plus profonde que "La Bête" aspire à établir avec son public, mais n'atteint pas toujours pleinement.
En définitive, "La Bête" de Bertrand Bonello est une œuvre cinématographique qui oscille entre le génie visuel et narratif et une certaine dispersion thématique. Il offre une expérience de visionnage qui, tout en étant visuellement captivante et ponctuellement émouvante, laisse le spectateur sur une note d'incertitude, reflétant peut-être involontairement la quête inachevée de ses protagonistes.