La néo-cinéaste belge Emmanuelle Nicot - à ne pas confondre avec la française Emmanuelle Bercot – n’a clairement pas choisi la facilité pour son premier long-métrage. En effet, « Dalva », du nom de la jeune fille qui est le personnage principal dans le film, investit le sujet vénéneux et potentiellement à haut risque de l’inceste. Il faut beaucoup de doigté et prendre des pincettes pour trouver la note et le ton juste sur ce type de sujets. Et la cinéaste s’en sort particulièrement bien surtout qu’elle a ajouté un autre trait peu commun à ce personnage dont on a volé l’enfance : celle-ci se prend en effet pour une femme adulte. Une posture probablement conforme à celle que son père abusif lui a inculquée, même si on parle ici plutôt d’une forme d’endoctrinement et d’emprise. Mais le film a le bon goût d’éviter toute séquence scabreuse puisqu’il débute quand la jeune fille est retirée à son père et placée dans un foyer d’accueil en attendant le jugement. On ne verra pas les causes, ni l’inceste en lui-même mais davantage ses conséquences néfastes.
« Dalva » va donc se focaliser non pas sur les techniques d’emprise et d’abus perpétrés par des adultes sur des enfants ou adolescents, comme le récent et tout aussi réussi « Le Consentement », mais sur l’après, la difficile reconstruction d’une enfant. Une jeune fille brisée, détournée de ses moments d’innocence et à qui on a volé l’enfance pour la plonger dans un monde adulte qui n’est pas le sien. On y voit même quelque chose d’intéressant, presque proche du syndrome de Stockholm pour les personnes kidnappées, puisque Dalva aime son père et que pour elle leur amour doit se consommer. Elle n’a pourtant qu’à peine douze ans... De son point de vue, il ne fait rien de mal et c’est là que sans en faire une dissertation lourde, la cinéaste pointe les mécanismes destructeurs de tels abus sur une enfant. On comprend bien dans le film comment ce schéma de pensée a pu s’immiscer en elle et lors d’une confrontation avec son père, enfin conscient des atrocités qu’il a commises, on nous montre l’étendue des dégâts psychologiques sur elle.
Tout est ici traité avec délicatesse, pudeur et beaucoup d’empathie. Même la partie en foyer d’accueil, un lieu vu et revu au cinéma pour des comédies sociales ou des drames, évite le déjà-vu et les clichés. La relation de Dalva avec sa colocataire de chambre est à ce titre touchante et juste. On comprend également la perte de repères de cet enfant dans ces interactions avec son instructeur référent joué par un Alexis Manenti très bon. Il est donc dommage que dans le dernier acte, « Dalva » prenne des raccourcis vers son presque happy-end alors que le film est court et aurait pu contenir d’autres séquences amenant à cette issue heureuse. La transformation de Dalva étant, en effet, un peu trop brusque et elliptique. Mais, surtout, le film doit beaucoup à la jeune Zelda Samson qui est extraordinaire dans ce rôle de petite fille qui se prend pour une femme. Une véritable révélation et encore une enfant comédienne de haut vol. Sans sa justesse d’interprétation, le film ne serait pas si fort et beau. Une belle découverte!
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