Il y a en ce monde des refuges que l'on regarde avec méfiance et d'autres que l'on apprend à accepter. Pour son premier long-métrage, Emmanuelle Nicot fusionne ces deux points de vue, sans que le jugement vienne contrarier le sujet du récit. Le point d'ancrage reste l'inceste, mais ce qui suit découle d'une tendresse qui a de quoi motiver la réinsertion de celles et ceux qui sont en défaut de sociabilité, ou dans le cas présent, en manque de maternité.
Dalva (Zelda Samson), jeune fille de 12 ans, n'hésite pas à se la jouer femme fatale, quand bien même son confort soit sacrifié dès l'ouverture, qui dévoile sans attendre la partie tranchante de sa lame. Mais qu'on ne s'y trompe pas, la violence graphique et morale sont esquivées, afin que le parcours initiatique de Dalva ait un sens. Son épanouissement est tout ce qui préoccupe la cinéaste, qui porte un regard bienveillant sur cet enfant, essayant de se reconnecter avec une idée de la normalité. Les enfants et autres phénomènes indésirables que l'on rejette ou que l'on cherche à protéger, parfois d'eux-mêmes, sont encadrés par la loi et tout un panel d'éducateurs, plus bénévoles dans l'âme qu'une véritable machine administrative. Ce circuit est humain et la caméra de Nicot se place en tant que tel, la plupart du temps en vue subjective ou dans le dos de sa jeune protagoniste, qui ne cesse de braver l'interdit, jusqu'à s'enfoncer tête baissée dans un tunnel sans fin.
Plus qu'apprendre à redevenir une jeune fille, Dalva doit parvenir à sortir du placard et de sa relation idyllique avec un père qu'elle cherche à retrouver et à protéger par tous les moyens. Ce désir va de pair avec son apparence, qui reflète l'emprise néfaste de son paternel sur son corps. Cette dernière doit alors le réaliser, aux côtés de ceux qui sont à son écoute, sans doute pour la toute première fois. D'abord vu comme des geôliers, dans un environnement pratiquement carcéral, elle transforme peu à peu la présence des adultes comme une forme de soutien et non plus comme un objet de désir. Ce sera le cas avec le « grand frère » éducateur (Alexis Manenti), dont la vocation se lit avec les cicatrices de jeunesse qu’il porte en lui. Ce dernier serait donc bien le mieux placer pour réagir et un peu moins pour écouter des histoires qu'il pourrait sensiblement reconnaître.
À l'instar de « Mignonnes », qui questionnaient la sexualisation des jeunes filles sur la scène publique et numérique, « Dalva » se déchaîne afin de s'ouvrir à l'enfance qu'elle n'a jamais eue. Elle sort de sa zone de confort et explore en permanence les gestes et les mimiques des personnes de son âge. Samia (Fanta Guirassy), sa proche confidente, est tout aussi rebelle, mais qui soutient l'émancipation parentale avec ses propres motifs. De cette manière, en jonglant entre plusieurs styles de vie, l’héroïne va prendre son envol et une indépendance qui la poussera à exister auprès des siens, en faisant la distinction entre l’amour, l’amitié et la passion. Un récit empreint de sincérité, dont les arguments ricochent avec un merveilleux ludisme. À ne pas manquer, à ne pas oublier.