Très bon film (encore un) de Martin Scorsese, qu'on pourrait considérer comme une bonne généalogie cinématographique de New York, puisque les traits suivants ont voulu être accentués : il s'agit d'abord d'une fresque historique, d'une descente dans le temps, d'une quête non pas du fondement institutionnel ou juridique de la ville, mais de la ou plutôt des provenances de celle-ci (pudenda origo, disait l'autre), des basses origines de la ville, puisque pour le coup, ça vient du sang (loi de la force et de la rue) et des petites machineries immorales (trafics divers genre mafia généralisée). En ce sens, c'est très réussi, crédible à souhait (Scorese poussant le vice jusqu'à recréer le New York de l'époque à Cinecitta plutôt qu'utiliser les vues actuelles agrémentées d'effets spéciaux). En plus, on peut souligner l'affirmation du multiple (une foule d'acteurs et de figurants assomante), la localité ou la singularité des événements (Scorsese focalise son histoire sur un quartier en particulier, les Five points) et le mélange de faits réels et de fiction qui, pourrait-on dire dans ce cadre généalogique, ne peuvent que plaire à un foucaldien moyen...
Sur le scénario lui-même, petite déception, parce que presqu'aucune imprévisibilité : deux gangs s'affrontent au début (émigrés irlandais menés par le Père Vallon interprété par Liam Neeson - que j'kiffe décidément... - contre les Natifs Américains (belle ironie de Scorsese sur l'identité nationale dans tout le film d'ailleurs, étant donné l'histoire ridicule du pays fait entièrement (comme tous les autres pays) mais en un temps très court d'immigration) dirigés par Bill le Boucher, l'horrible moustachu interprété par Daniel Day-Lewis), les Natifs gagnent, Bill tue le Père Vallon sous les yeux de son fils (Amsterdam dans le film) interprété par Leo, qui va tenter de se venger (je ne dévoile pas la fin, mais enfin bon tout le monde s'en doute, surtout depuis que c'est imprévisible et que tout le monde s'en doute légitimement, c'est-à-dire que je viens de détruire les conditions de mon énoncé en même temps que je l'énonce, chapeau l'artiste) en se rapprochant le plus possible de Bill au fil des ans, et en profitant de ce que Bill ne reconnaît pas Amsterdam comme le fils du Père Vallon, évidemment, mais comme son propre fils spirituel. Ambiguïté, ambiguïté !!! Bon, c'est un peu classique comme cheminement, et puis tous les rebondissements prévisibles (genre Amsterdam se faisant balancer par son meilleur ami) arrivent effectivement, donc de ce côté-là, plutôt moyen.
Les points positifs du film reposent à mon avis, mis à part le petit aspect généalogique que j'ai décrit, sur les personnages qui sont tous excellents (et donc, forcément, chapeau à la réalisation qui a su les mettre en valeur, réa parfaite, enfin parfaite dans le genre j'ai des moyens, bien sûr, et j'en fous plein la gueule sans aucune pause). Mention spéciale à Daniel Day-Lewis qui joue le sanguinaire à la perfection, Liam Neeson qu'on espère toujours voir davantage dans tous les rôles qu'il a (y compris celui-ci, donc), et Leo, qui assure bien le taff sans être non plus transcendant (ni sexuellement irrésistible). Du reste cela manque tout de même un peu de libido (si l'on peut être satisfait comme je l'ai précisé du côté hémoglobine épanchée), puisque l'histoire "sentimentale" avec Cameron Diaz n'est pas portée à un degré incroyable de fantasmes, et qu'en plus, elle n'est même pas blonde... loul). Cela dit, vraiment très gros bon point : le jeu des acteurs et la bonne réa fait ainsi passer la grosse longueur du film (presque 3h quand même) d'une manière assez jouissive.
Pour revenir aux point négatifs, dénonçons immédiatement l'odieuse fin (le duel final entre les deux protagonistes principaux) qui en plus d'être prévisible ne dure pas assez longtemps, est tronquée par le destin, empêchée par des coups de feu de l'Histoire, on ne sait pas trop, mais en tout cas c'est assez moche et ça détruit presque tout ce qui s'est passé jusque-là. Bad Happy end quoi, comme d'hab.
Allez, ça reste quand même bon, disons un bon 15/20
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