Constat glaçant
C’est le 1er film de Stéphane Marchetti qui nus est donné de voir. Et le moins qu’on puisse en dire, c’est que ces 90 minutes sont plus que prometteuses. Dans les Alpes enneigées, en plein hiver. Pour boucler ses fins de mois, Marie, 45 ans, trafique des cartouches de cigarettes entre la France et l’Italie avec l’aide de son amant Alex, policier aux frontières. Lorsqu’elle rencontre Souleymane, jeune réfugié, prêt à tout pour rejoindre sa petite sœur, elle s’embarque dans un engrenage bien plus dangereux qu’elle ne l’avait imaginé. Un premier film bluffant de maturité qui sait renouveler un sujet de société brûlant avec une grande force et une actrice en état de grâce.
Ce film est né de la rencontre avec un adolescent, Porte de la Chapelle, qui a raconté au cinéaste comment un vieux monsieur lui a demandé soixante euros pour lui faire traverser la frontière à Vintimille et rejoindre la France. Mais aussi, à Calais, avec un Afghan établi en France, victime des passeurs avant de le devenir à son tour… De là à imaginer un scénario reliant les deux types de personnages, il n’y avait qu’un pas, brillamment franchi par Marchetti. Le tournage a eu lieu à Briançon, une zone de passage des migrants très fréquentée depuis plus d’un siècle et encore plus depuis une dizaine d’années avec les différentes crises migratoires. Filmé au plus près des personnages, on peut ressentir leur colère, leur peur et le froid glacial qui peut s’avérer mortel. Le réalisateur a su se rappeler la phrase du photographe Robert Capa : Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près. Toute la 1ère partie est donc filmée dans des endroits souvent clos, comme une voiture, un mobil-home, d’où un sentiment oppressant, une tension interne permanente. Ce n’est que dans la dernière partie que le film s’ouvre sur la montage, espace immense où les personnages deviennent soudain comme minuscules, confrontés à l’infini. Ne ratez pas ce thriller dramatique, c’est excellent.
L’actrice citée plus haut, c’est l’extraordinaire Florence Loiret-Caille, instinctive, animale, sans cesse à fleur de peau. Elle a été récompensée d’un prix d’interprétation au Festival de Sarlat. Elle est entourée par Saabo Balde, Jonathan Couzinié, Aurélia Petit, Marie Narbonne, tous très justes dans ce film acéré, sobre et passionnant de bout en bout, qui ne fait pas l’erreur de juger ou d’apporter des solutions. Il fait un récit social glaçant et évite les dérives scénaristiques des Survivants de Guillaume Renusson qui traitait pourtant du même sujet. Je vous le conseille.