La pédagogue et la cocotte
Voici 100 minutes à ne pas rater. Ce drame historique, 1er film de Léa Todorov, a reçu la Salamandre d’Or bien méritée au festival de Sarlat. En 1900, Lili d’Alengy, célèbre courtisane parisienne, a un secret honteux - sa fille Tina, née avec un handicap. Peu disposée à s’occuper d’une enfant qui menace sa carrière, elle décide de quitter Paris pour Rome. Elle y fait la connaissance de Maria Montessori, une femme médecin qui développe une méthode d’apprentissage révolutionnaire pour les enfants qu’on appelle alors « déficients ». Mais Maria cache elle aussi un secret : un enfant né hors mariage. Ensemble, les deux femmes vont s’entraider pour gagner leur place dans ce monde d’hommes et écrire l’Histoire. Un biopic mêlé de fiction très habile et qui nous apprend beaucoup sur une pédagogue pas comme les autres. Passionnant.
Voilà un film d’un féminisme intelligent qui mériterait bien le prochain prix Alice Guy de 2024. La rencontre de ces deux femmes – l’une inventée de toutes pièces, l’autre devenue au fil du 20ème siècle, une égérie de la pédagogie active -, nous montre comment, dans une époque vouée au patriarcat, la gente féminine pouvait se faire une place dans la société. L’une en jouant de ses charmes – tarifés -, l’autre par la recherche scientifique, la connaissance et la… persévérance. Elles sont toutes deux liées par le même drame : leur enfant « différent » dont personne ne veut réellement s’occuper ; on parlait alors de « secret honteux ». Ce lien entre deux personnes aux antipodes l’une de l’autre évite de nous infliger un biopic classique, distant et purement hagiographique. Le scénario sait éviter la facilité du pathos ou du tire-larmes, pour nous proposer un moment de délicatesse à la pudeur inouïe. Pour moi, un film incontournable.
Leïla Bekhti surprend dans ce rôle dramatique qui lui colle à la peau. Jasmine Trinca est une immense actrice, déjà couverte de prix à Cannes, Venise, Berlin. Elle trouve peut-être ici son meilleur rôle à ce jour, en tout cas un des plus complexes. Mais l’enchantement nous vient de la petite Rafaëlle Sonneville-Caby, jeune handicapée mentale, française qui parvient à jouer en italien et qui se révèle absolument bouleversante. Tout comme les autres enfants présents à l’écran dans ce film. Une performance. Suivez mon conseil, vous ne le regretterez pas.