A la fin du XIXème siècle et au tout début du XXème apparaissent en Europe plusieurs expériences de pédagogie alternatives, recentrées sur l’apprenant, plutôt que sur le contenu, renonçant à la compétition pour s’adapter à l’intelligence et au rythme de l’élève. Ces pédagogies séduisent encore aujourd’hui des parents qui y voient une réponse aux carences de notre système éducatif. Elles restent néanmoins réservées à une élite économique et culturelle, avec pour résultat un manque de mixité sociale. La grande majorité d’entre elles sont pratiquées par des écoles privées et n’ont d’autre ressources financières que celles des parents d’élèves, ce qui induit des frais scolaires mirobolants…A l’origine on retrouve Célestin Freinet, un instituteur en France, Rudolph Steiner, un philosophe en Autriche, et deux médecins, Ovide Decroly en Belgique et Maria Steiner en Italie. Au point de départ ces pédagogues se sont intéressés au sort des enfants «irréguliers» et souhaitaient une réelle émulation entre les enfants de toutes origines, considérant l’école comme vecteur d’évolution et d’autonomisation….Dans « La nouvelle femme » Léa Todorov, formée à l’origine au documentaire, se penche sur les début de Maria Montessori (Jasmine Trina) …une Nouvelle Femme, selon l'expression qu'utilisent communément les historiens pour désigner ces femmes féministes, éduquées et indépendantes de 1900 qui avaient réussi à accéder à des fonctions professionnelles et à des carrières universitaires, et qui affirmaient une place dans la société par le savoir…Maria Montessori est médecin, un métier pour laquelle elle a dû lutter contre les préjugés familiaux….Méprisée par ses confrères, considérée par une éternelle mineure par sa famille, à qui elle a caché l’existence d’un fils né hors mariage, placé chez une nourrisse à la campagne, subissant de plein fouet le joug d’une société patriarcale y compris dans son travail, puisque son compagnon et associé Giuseppe, est le seul qui attire la lumière et reçoit un salaire !! Son compagnon est aussi le père de son enfant, elle ne veut pas l’épouser considérant le mariage comme une aliénation …Dans le film, Léa Todorov a choisi de se porter sur les débuts de la carrière de Maria Montessori, quand elle développe une méthode d'apprentissage adaptée aux enfants mentalement déficients qu’elle transposera ensuite en tant que méthode d'enseignement pour tous les enfants, « la méthode Montessori » avec le but qu'ils deviennent des adultes indépendants et capables de s'adapter… Mais pour raconter cette histoire, Léa Todorov a fait un choix dont on est en droit de se demander s’il est vraiment judicieux : introduire auprès de Maria Montessori un autre personnage féminin, le personnage fictionnel de Lili d'Alengy (Leila Bekhti), une courtisane parisienne, mère honteuse d'une petite fille neuro-atypique et qui, à ce titre, va chercher à se rapprocher de Maria…laquelle l’incitera à regarder sa fille avec toute a tendresse qu’elle mérite…et tout simplement à l’aimer…Pourquoi choisir une de ces femmes qualifiées à l’époque de « cocottes » comme autre personnage féminin important du film ? Afin d’incarner un autre modèle de femme indépendante de cette époque, répond Léa Todorov, une femme puissante et libre sans pour autant avoir le savoir académique de Maria Montessori…Cela donne un certain décorum un peu superfétatoire, et qui fait passer la Méthode Montessori au second plan …Toutefois, malgré les réticences qu’on peut avoir vis-à-vis de cet aspect du film, on ne peut que louer le jeu de Jasmine Trinca et de Leïla Bekhti, les interprètes de Maria et de Lili, ainsi que les prestations très émouvantes et d’une grande vérité des enfants neuro-atypiques choisis pour incarner ce qui est plus ou moins leur propre rôle, avec une mention particulière pour Rafaëlle Sonneville-Caby, l’interprète de Tina, la fille de Lili…