La Nouvelle Femme aborde la révolution pédagogique de Maria Montessori et de son compagnon Giuseppe Montesano par le prisme du double combat mené, d’une part, par une femme soucieuse de réussir en son nom propre et pour son sexe, en réponse au patriarcat dominant en Italie et en France, d’autre part par une mère meurtrie à l’idée de ne pouvoir s’occuper convenablement de son jeune fils. Léa Todorov, dont il s’agit ici du premier film de fiction, applique une esthétique documentaire à un sujet qui l’exigeait, interroge la notion d’« idiotie » sans cesse répétée par les hommes à propos des enfants en montrant que la science, synonyme de connaissance, corrige ce diagnostic erroné et permet, par à-coups, aux familles de se reconstruire, à la maternité d’advenir. En témoigne le parcours de la courtisane parisienne Lili d’Alengy, qui passe du rejet de son rôle de mère, causé par l’idée reçue que Tina n’est pas une enfant comme les autres, qu’elle n’est pas non plus un être humain véritable et, en cela, qu’elle ne légitime pas le sentiment maternel, à son acceptation, en miroir du parcours de Maria Montessori dont l’image de mère et pédagogue idéales s’effrite à mesure qu’elle est éloignée de son fils. Un très beau plan les rassemble d’ailleurs : après avoir dérangé son bureau et jeté, de rage, divers documents et livres posés sur table et étagères, elle s’accroupie, calmée, bénéficiant de l’aide de Lili, elle aussi accroupie ; les deux femmes sont alors au même niveau, moins social que maternel, et c’est leur interdépendance, qui mute en indépendance, que la réalisatrice montre par un apprentissage réciproque de la maternité pour l’une et de la vie mondaine pour l’autre. Le long métrage bénéficie de l’interprétation remarquable de Jasmine Trinca, et impose un regard juste sur les personnes en situation de handicap, sans complaisance ni sentimentalisme exacerbé, porté par la photographie soignée de Sébastien Goepfert. Une belle réussite.