Un film de Lars Von Trier, aussi impétueux et provocateur qu'il soit, se savoure comme un cadeau de Noël que l'on a attendu depuis longtemps et qui enfin s'exhibe sous nos yeux. J'admet que l'utlisation du terme "attendu depuis longtemps" ne s'accorde point de la plus belle des manières pour "Dogville", le film étant sorti en salles il y a de cela 9 ans. Quoi qu'il en soit, malgré ses presques 10 bougies, "Dogville" reste toujours selon mon opinion personnelle le film le plus abouti et le plus poignant du génial cinéaste danois. Souvent, on a entendu des louanges conçernant "Dancer in the Dark" poignant mélodrame et ayant permi à Von Trier d'obtenir la Palme d'Or à Cannes et à Björk le prix de la meilleure actrice, ou encore le tout récent "Mélancholia" mélange entre film catastrophe, comédie et (toujours!) drame. Le fait est que ces deux longs-métrages cités sont très réussis, mais en déça de ce qu'est la terrible histoire contée dans "Dogville".
Nicole Kidman joue avec brio une belle femme cherchant à sauver sa peau de gangsters à sa poursuite. Elle arrive dans un petit village du Colorado, nichée dans les montagnes, Dogville ou les habitants, généreux et ouverts de coeur, vont l'accueillir et l'intégrer dans leur vie communale.
Le grand intérêt du film réside en l'aspect théâtral imposé, les décors étant réduits au strict minimum (seuls quelques meubles sont visibles) et ou les habitations sont marqués à la craie blanche au sol, comme si une pièce se jouait devant une foule de spectateur. Cependant, là n'est pas le but de rendre un hommage au théâtre mais plutôt de se focaliser sur les personnages, leurs comportements, leurs alibies... Car si l'histoire paraît, lors de la première heure, se dérouler comme dans un conte de fée avec des personnages attachants, accueillants et chaleureux, c'était oublier que Lars Von Trier est aux commandes avec son éternelle noirceur misanthrope.
"Toujours se méfier des apparences" semble être la phrase moralisatrice du film lorsque au milieu du film subvient un retournement de situation des plus imprévisibles.
Les habitants de Dogville, dont l'écrivain Tom Edison joué par le trop rare Paul Bettany avec qui le personnage de Grave (Kidman) file un amour tout droit sorti d'histoires visant les jeunes filles en fleur, révèlent leur vraie nature en abusant de la gentillesse de Grace, en la traitant comme une esclave, certains humilants même la jeune femme en la violant!
On retrouve alors le Von Trier que l'on a connu jadis, peignant la nature humaine de la manière la plus sombre et violente qui soit, de manière plus percutante ici que dans ses précédents films. Le conte de fées flirte avec le film d'horreur et c'est un sentiment de dégoût et d'opression qui devient maître des derniers chapitres, pour se conclure crescendo par une fin surprenante.
"Dogville" est une oeuvre d'art signé par un génie de la mise en scène. Lars Von Trier se révèle plus inspiré que jamais dans son histoire candide et à la fois âpre et violente sur la société américaine servi par un casing 5 étoiles incluant outre Kidman, Stellan Skarsgard, le défunt Ben Gazzara ainsi que Chloé Sévigny ou encore Lauren Bacall. Un film certes difficile d'accès mais ô combien réussi.