Un chef d'oeuvre de complexité, de virtuosité et d'aboutissement ! Dogville est une oeuvre copieuse, qui demande un effort certain pour le spectateur : le dispositif scénique, formellement très abstrait, peut de prime abord dérouter. Une fois l'exigence poursuivie Dogville s'avère profondément stimulant, moralement terrassant, d'une intelligence précieuse. Lars Von Trier se penche sur les questions de complaisance, de cynisme et de sacrifice : il nous offre Grace, personnage énigmatique survenu de nulle part, dont la condition narrative changera de façon permanente au fil du métrage. D'abord singulière apparition, don du ciel pour les habitants du plateau canin, puis figure utilitaire essuyant l'hypocrisie de la communauté, esclave enchaînée puis justicière impitoyable, Grace est un personnage fascinant, superbement interprété par une Nicole Kidman plus inspirée que jamais. Dogville, c'est un peu l'école philosophique de Diogène, le théâtre d'une humanité cruelle vouée à l'animalité la plus secouante. Le film de Lars est un choc absolu, aussi bien scénaristique que visuel, fondamental qu'architectural. D'un contenu vertigineux, maîtrisé de bout en bout en même temps qu'il demeure parfaitement libre, Dogville est l'un des portaits politiques les plus brillants de la dernière décennie : le cinéaste n'épargne rien ni personne au travers de ce chemin de croix improbable, au sein duquel le chien soumis demeure un peu partout... La bande-son, pavlovienne au possible lors du dernier quart d'heure, sert merveilleusement l'aspect soustractif de la mise en scène. Quant au casting, d'un rare prestige, peuplé de comédiens-montagnes tous plus célèbres les uns que les autres, il finit de placer Dogville parmi les films les plus impressionnants de l'Histoire. Incontestablement le meilleur film de Lars Von Trier, et l'un de mes préférés. Une oeuvre géniale et inépuisable !