Dogville, un film qui m'a laissé une drôle d'impression. ( Spoilers à venir)
En fait sur le coup on peut dire que j'ai vraiment "adoré". En fait, le sentiment de frustration a dominé pendant une bonne partie du film.
Je commence d'abord par ce qui m'a énormément plu à savoir le parti pris visuel. L'esthétique épurée de Dogville est pour moi une ingénieuse trouvaille, on se sent voyeur, omniscient mais aussi on ressent comme un sentiment de claustrophobie avec cette ville que l'on observe vivre pendant 3 heures et ce sans issue de secours ou presque. Ce parti pris donne ainsi au spectateur le droit d'observer et en même temps de juger tout en laissant le film dérouler sa liste de personnages et les caractères propres à chacun qui forment une fois ensemble un caractère commun, plein de mystères mais aussi de noirceur.
Grace (Nicole Kidman) débarque dans cette ville après avoir été poursuivie par des assaillants. Pour s'intégrer elle va proposer son aide à tous les habitants afin de se sentir utile à Dogville. Sa rencontre avec Tom (Paul Bettany) ets l'élement-clé car c'est ce dernier qui la guidera, qui semblera être l'habitant idéal, la seule personne viable. Mais plus le temps passe et plus Dogville prend des allures de prison pour Grace, sentiment qui va de pair avec le spectateur car nous ressentons la même chose, ce sentiment de ne jamais pouvoir sortir de cette ville qui semble s'obscurcir au fur et à mesure que nos minutes de visionnage s'écoulent. La manière de filmer de Lars Von Trier m'a un peu étonné, la caméra semble hésitante, tremblante, les changements de plan sur une même séquence sont fréquents mais en fin de compte ça m'a pas gêné, même si je m'attendais à quelque chose de relativement plus posé, du moins de plus lisse.
Au niveau de l'interprétation on a du lourd, Kidman est superbe dans son rôle de réfugiée devenue victime et Paul Bettany, qui décroche pour moi le meilleur rôle du film, est bluffant, vraiment il réalise une grande performance mais il faut dire aussi que son personnage relève du génie, Tom est une sorte de diable dont le masque d'ange s'estompe tout doucement et sans prévenir. En revanche le personnage de Grace, même si Nicole Kidman est une interprète de grande qualité, m'a laissé un goût mitigé. J'ai trouvé sa réaction beaucoup trop tardive, on la sait impuissante mais LVT fait trainer sa "rebellion", honnêtement on ne dirait qu'elle ne réagira jamais, je trouve que c'est horriblement malsain d'imposer ça à un personnage et au spectateur qui s'attache à elle. C'est la première fois que je ressens ce genre de sensation pour un personnage, car la voir violée, enchainée, emprisonnée dans cette ville infernale m'a fait du mal pour elle. La violence de la séquence finale par contre est un véritablement soulagement, qu'est-ce qu'on se sent bien après ça! Mais après j'ai trouvé que le motif de "dispute" entre le père et la fille était assez flou, est-ce une volonté du réalisateur? Je n'en sais rien, mais le motif me semblait obscur. Après le générique de fin m'a laissé perplexe, dans le genre "tue l'ambiance" y a pas mieux . Enfin j'imagine que ce générique est surtout un échappatoir pour le spectateur, après tout on vient de passer 3 heures à Hellville.
En fait je crois que j'apprécierais vraiment plus le film à un deuxième visionnage. Maintenant je sais à quoi m'attendre et le drôle de sentiment de frustration que j'ai ressenti n'aura plus lieu d'être. En tout cas je tire mon chapeau à ce film, c'est une expérience enrichissante, composée d'une forme travaillée et originale au servir d'un scénario obscur qui peint avec brio la noirceur de l'être humain et emprisonne le spectateur qui le suit au même titre que Grace. Un film d'une grande intelligence qu'il faudra que je revois absolument afin de mieux l'apprécier, en tout cas c'est du lourd.