On attendait peut-être quelque chose de plus spécifique et coloré de la part d’Edgar Wright et on se retrouve au final avec un documentaire dont le format demeure très (trop?) classique : la biographie chronologique des Sparks, racontée par les intéressés, leur entourage successif au fil des décennies et leur progéniture admirative (Beck, Alex Kapranos et beaucoup d’autres). De toute façon, le groupe de frères Mael le méritait bien : toujours aux marges de l’underground malgré de brefs sursauts médiatiques et commerciaux dans les années 70, pratiquement oubliés tout au long des années 80 et 90 et tout juste auréolés d’une reconnaissance tardive dans les années 2010, le duo n’a jamais vraiment trouvé sa place sur une scène pop-rock avide de taxonomie plus évidente. Ce constat se voit parfaitement illustré à la découverte du parcours obstiné du groupe, qui semble avoir fait sien l’adage shadok selon lequel plus ça rate, plus ça a des chances de réussir. Tour à tour trop avant-gardiste et trop ringard, trop bizarre, trop européen, ces défauts étant toujours le miroir parfait de leurs qualités, les Sparks ont pourtant effectué un véritable hold-up sur la scène rock (et sont partis sans le butin) : entre des albums incroyablement soignés, des textes drôles et fins, remplis de sous-entendus absurdes, une productivité sans égale et des défis stakhanovistes à peine croyables (jouer un album complet différent chaque soir à Londres pendant 20 jours, en 2008), les Sparks sont un cas d’école de l’insuccès immérité. Si, en ce qui me concerne, Edgar Wright prêchait à un convaincu, ce documentaire-fleuve, mené tambour battant, a tous les atouts en main pour faire découvrir aux néophytes l’un des groupes les plus singuliers de la pop des cinquante dernières années.