Malgré une distribution perturbée et une expédition directe sur la plateforme de streaming, le premier long-métrage de Justin McMillan parvient toutefois à trouver un virage en festival. On sent qu’il cherche sa place dans le monde de la fiction, qu’il a troqué contre sa carrière en documentaire. Mais comme toute première, il fait face à quelques impondérables de mise en scène qui amputent à l’aura oppressante du film. En tentant toutefois de réinterpréter le deuil d’une mère, sa narration nous laisse flotter au-dessus de son décor rural. Elle est ici pour nous évoquer le frisson qu’endure un parent à la perte d’un enfant et soudoie davantage les vertus psychologiques que horrifiques. C’est le drame qui pèse sur chaque souvenir, qui torture les vivants comme les morts.
Lorsque qu’Hanna (Lisa Kay) revient chercher des réponses dans un champ de canne à sucre, ce n’est pourtant pas ce à quoi les locaux l’encouragent à faire. De lourds secrets attendent d’être déterrés, mais c’est au détour de l’irruption du fantastique que cela coince. A la silhouette ou à la louche, une apparition ne sait traduire correctement les interactions qui en découlent. A Billins, l’étrangeté fait partie d’un quotidien pas aussi macabre que prévu, car les interventions se répètent avec assez peu d’entrain ou de symbolisme, notamment afin de lier les larmes de ceux qui se raccrochent encore au passé. Mais il n’y a pas nécessairement besoin de surexpliquer en quoi ce deuil nous ramènera peu à peu vers une forme réconciliation. Ce qu’Hanna étudie, c’est avant tout sa thérapie, à travers une voix douce et qui lui susurre comment surmonter la mélancolie et les addictions qui semblent encore lui coller à la peau. C’est donc à la pointe de la technologie qu’elle vagabonde à travers les champs, dans l’espoir d’évacuer sa peine.
Mais tout ne se passe pas comme prévu, surtout dans son évolution. Malgré une volonté de déconnexion contreproductive, cela nous renvoie à quelques contradictions que l’héroïne rencontre au fur et à mesure qu’elle avance. Il y a toujours un pas en arrière après une découverte, qui ne s’adresse pas au recul émotionnel, mais au simple fait que l’on retisse un voile sur les frontières du réel. L’intrigue stagne de même et repousse toujours plus loin cet instant fatidique, où l’on fera les bons comptes. Seule contre tous, Hanna possède néanmoins la charge émotionnelle la plus travaillée et approfondie, la plaçant au centre de tout un montage, lui offrant la descente finale qu’elle espère intérieurement. Sur ce point, on réussit à nous confronter à sa détresse, sensiblement compréhensible. Mais de l’autre côté de la rive, parsemée de veilleuses rouges, la communauté s’acharne sur des blessures qui obstruent tout changement bénéfique pour la ville. Il n’y en a qu’une qui nage à contre-courant, mais elle nage suffisamment bas et avec la tête sous l’eau qu’on n’y voit plus assez clair dans sa quête.
Pourtant, ce que l’on ne peut réfuter au cinéma Australien, c’est bien cette démarche de diluer le thriller psychologie dans ses narrations les plus touchantes. « Sweet River » en constitue un, mais pas suffisamment solide pour ne pas se laisser sombrer au cœur de la rivière, qui traverse Billins et ses cicatrices. Il restera tout de même des interprètes convaincus d’un projet qui mériterait de mûrir un peu plus, afin de sonder l’âme de ses personnages plutôt que les laisser errer dans un labyrinthe mental trop rigide. A force d’hésiter cela se remarque et ne simplifie pas la tâche dans une lecture qui par également en vrille. Bien entendu, les intentions s’avèrent louables et ce prétexte soumet sans doute plus d’interrogations qu’à l’arrivée, mais l’œuvre se désenchante trop rapidement et fait l’impasse sur les relations toxiques et hantées des victimes.