Décrivant les personnes atteintes de troubles psychiatriques, l’un des patients répète que ce sont des acteurs qui ne savent pas qu’ils le sont. Est-ce la présence de la caméra qui lui inspire cette image ? En tout cas, une chose est sûre, l’irruption de l’équipe du film a une incidence certaine sur la vie du lieu et ses passagers/ères. Toutes et tous sont à la fois d’un naturel désarmant pour des non-professionnel(le)s, et en même temps de vraies stars devant la caméra. C’est une façon de regarder l’objectif, ou au contraire de ne jamais le fixer, de l’esquiver, les yeux perdus dans le lointain. Une diction singulière, des expressions répétées, une scansion des phrases qui souvent donnent aux propos une tournure poétique.
La communication, pour toutes les personnes présentes, est capitale. Souvent rompue avec leur entourage familial, parfois rendue complexe par les troubles présentés, elle contribue au mieux-être au même titre que les traitements médicamenteux. Communiquer, c’est affirmer son statut d’être humain, faire corps avec le groupe, ne plus être seul(e) avec les voix « dans sa tête et dans son ventre », mais aussi exprimer ses émotions, sa sensibilité.
De sensibilité, le film ne manque pas, irrigué par la fragilité et la grande richesse intérieure de ses protagonistes. À travers les différents ateliers, c’est souvent par des pratiques artistiques qu’elle vient s’exprimer. Parfois de manière plutôt joyeuse et légère, en particulier avec l’atelier dessin qui donne lieu à des œuvres colorées permettant de se souvenir ou d’anticiper des moments joyeux, de rendre hommage à un proche, ou d’accepter le défi suggéré par un autre participant. Parfois de façon plus mélancolique ou rebelle, en particulier lors des scènes musicales qui ponctuent le récit du quotidien. Le film s’ouvre d’ailleurs sur une reprise énergique de « La bombe humaine », un titre qui évoque bien ce à quoi les patients sont confrontés dans la nécessité de gérer leurs troubles. Mais on peut aussi retenir de très belles chansons composées par les visiteurs de l’Adamant, « Just open the doors » de Frédéric Prieur et « Personne n’est parfait » de Marc Nauciel, qui constituent également deux visions d’une vie passée à essayer de ne pas trop souffrir ni faire souffrir les autres.
Tout en empathie et en délicatesse, Sur l’Adamant nous emmène en voyage sans pourtant réellement larguer les amarres. Pour celles et ceux qui y mettent les pieds, soignant(e)s ou patient(e)s, il faut accepter de commencer une aventure, où tout l’enjeu est peut-être, comme lorsqu’on se laisse prendre en photo, de « changer son regard ». C’est à coup sûr ce que le film propose aux spectateurs et spectatrices, loin des clichés sur la maladie mentale, accepter de s’ouvrir aux différences et de remettre de l’humain, de l’écoute, du temps de qualité au cœur de la vie.