Ma Vie, ma gueule est porté par une Agnès Jaoui inédite, enthousiaste, sincère, triste, complètement à fleur de peau de son personnage dépressif qui ne veut pas guérir, mais ne veut pas pour autant se laisser aller. C'est dans cet entre-deux drôlement tragique, ou tragiquement drôle (à vous de voir), que cette comédie dramatique tire toute sa force, donnant à ce road-trip des allures de coups de têtes désespérés pour se raccrocher à une vie palpitante, des envies de surprendre encore ses enfants, un goût de la découverte et des petits plaisirs qui ne se perdent pas pour ce personnage très réaliste et attachant. On s'émeut encore plus lors de la conférence qui conclut cette Première de Cannes (elle en faisait même l'Ouverture Officielle de la Quinzaine des Cinéastes, ce qui est souvent bon signe...), quand les enfants de la réalisatrice Sophie Fillières avouent avoir repris le flambeau de la réalisation quand cette dernière a fini à l'hôpital pour un lourd et long traitement, et que cette tristesse et force de vie a nourri le scénario : vraiment, on le sent à travers le récit. Ajoutez à cette poétique mélancolie un caméo de Philippe Katerine, qui vient apporter la seule musique présente dans le film (un choix de la réalisatrice, pour laisser parler le ressenti du spectateur quant au personnage principal, pour ne pas appuyer artificiellement les émotions du film), une petite mélodie qui accompagne joliment le générique de fin. Mais comment oublier de souligner encore le rôle d'Agnès Jaoui, qui est l'âme vivante de cette comédie douce-amère, qui dépeint un portrait si tendre, si juste, déniaisé de toute happy-end facile, d'un personnage en mal de vivre, mais qui s'accroche. On a été touché.