Présenté en ouverture de la sélection Un certain regard à Cannes cette année, « Tirailleurs » serait un projet né d’une conversation en 2011 entre l’acteur Omar Sy et le directeur artistique Mathieu Vadepied sur le tournage d’Intouchables, film qui devait faire basculer Sy dans une tout autre dimension… L’idée d’un film montrant un bataillon de tirailleurs noirs sur le front 14-18 va cependant mijoter encore longtemps avant de voir le jour. Mathieu Vadepied et Olivier Demangel, le coauteur du film, ont mis six ans à élaborer le scénario. Ils sont repartis de zéro à plusieurs reprises en changeant les personnages et l'histoire. Omar Sy n'a eu de cesse d'accompagner « Tirailleurs » tout au long de ses dix années de développement. Devenu trop vieux pour camper le rôle principal, il a envisagé de se retirer du projet mais voulait continuer à soutenir le film en le co-produisant. Finalement, il incarne le père du héros, tout en participant à la production. 1917. Bakary Diallo s'enrôle dans l'armée française pour rejoindre Thierno, son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble, et en dehors de toute vraisemblance vont se retrouver sous le même commandement …Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au cœur de la bataille, Thierno va s'affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l'arracher aux combats et le ramener sain et sauf. En allant voir Tirailleurs, j’avais en tête Indigènes de Rachid Bouchared qui présentait des tirailleurs algériens et goumiers marocains durant la Seconde Guerre mondiale , un film de guerre réaliste et poignant, une sorte de Soldat Ryan à la française, servi par des acteurs dont la force de conviction transcendait des personnages un poil stéréotypés…Le film laissait de côté les soldats recrutés en Afrique subsaharienne. …Tirailleurs vient en ce sens combler un manque criant de fictions et de représentations sur la part prises par les anciens peuples colonisés sur les théâtres d’opérations français face aux offensives allemandes au cours de la Première Guerre mondiale…et qui résultait d’une forme de déportation « au nom de la patrie » et en dépit des libertés individuelles.
Mais quelque part, Tirailleurs ne fonctionne pas. Le cinéaste, qui revendique dès le générique l’écriture des dialogues, s’enferme dans une histoire qui tente de concilier en permanence le conflit de loyauté et d’amour entre le père et son fils, au détriment du contexte historique. Le spectateur peut être désorienté par un champ de bataille où l’on parle peul, où les crimes, vols, trahisons entre les soldats eux-mêmes s’ajoutent à la barbarie allemande. Le spectateur est prêt à croire tout ce qui se trame au cœur des tranchées humides et noires où les rats gigantesques galopent au milieu des renards, mais au bout d’un moment, on cède à la lassitude ou à l’incrédulité.
Pourtant, Omar Sy et ses jeunes partenaires comme Balamine Guissarey se démènent pour donner vie à ces héros d’un temps passé et honteux…mais cela ne prend pas.