Tirailleurs
Le soldat inconnu serait-il sénégalais ?
C’est cette question, entre autres, que Mathieu Vadepied pose dans son drame historique en forme de tribut à des héros de l’ombre. 100 minutes sous tension qui valent d’être vues pour sa thématique plus que pour ses qualités cinématographiques. 1917. Bakary Diallo s'enrôle dans l'armée française pour rejoindre Thierno, son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au cœur de la bataille, Thierno va s'affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l'arracher aux combats et le ramener sain et sauf. D’un humanisme sincère, ce drame est dominé par la composition d’un immense acteur : Omar Sy.
Un film franco-sénégalais, ce n’est pas si fréquent. Et quand il nous parle de l’intérieur de ce qu’a pu représenter la 1ère guerre mondiale pour ces africains devenus soldats malgré eux, on a le cœur au bord des lèvres, submergé de honte et de colère. Ces fameux « tirailleurs », souvent engagés contre leur gré, sont montés au front, aux côtés des poilus de métropole. Ils étaient près de 200 000 à combattre, 30 000 sont morts sur les champs de bataille de la Grande Guerre, beaucoup sont revenus blessés ou invalides. Cette page peu glorieuse de notre Histoire reste encore méconnue et souvent oubliée- sans doute un hasard ? -, des manuels scolaires. L’idée du film est née en 1998 avec la mort du dernier tirailleur sénégalais , Abdoulaye Ndiaye, à l’âge de 104 ans, il avait été enrôlé de force en 1914. Il est mort la veille du jour où il devait recevoir la Légion d’Honneur promise par le président de la République, Jacques Chirac. Vadepied, fort de sa conscience politique concernant les questions mémorielles, a voulu dresser un état des lieux de la société française dans sa diversité, sa richesse, sa force en assumant ce passé et, surtout, avec la nécessité vitale de le reconnaître. Je le répète, l’ambition est noble, nécessaire et remplie. Au point de vue cinéma, rien de nouveau. Le budget est relativement faible pour un tel projet, la mise en scène planplan et ultra classique… Restent la superbe musique d’Alexandre Desplats – un pléonasme -, et le casting…
Même quand il parle peul, Omar Sy reste un acteur unique. On sait qu’il sait tout faire et le prouve encore une fois. Face à lui, Alassane Diong, Jonas Bloquet, Bamar Kané et tous les autres apportent conviction, force et talent à cet hommage à tous ceux qui ont combattu sans avoir eu la reconnaissance de leur sacrifice. Pour finir, je laisserai longuement parler le réalisateur qui a voulu transformer la vision qu’on a de notre société, montrer d’où vient sa richesse, sa diversité. Le film doit interroger cela, déclencher de la curiosité, il doit, je l’espère, toucher ceux qui sont enfermés dans leur peur, dire la beauté des cultures, des façons de vivre, des langues, et cette acceptation, ce désir de la différence, car elle est une force. Mission accomplie.